L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
Depuis le recensement de 1906, on savait que le château avait été aménagé en immeuble à loyers locatifs (numéros d'immeubles 191 et 192 de la Rue St-Martin, 72 personnes réparties en 29 locations). Eugène Magnier, cultivateur et maire du village, avait été propriétaire du château. Après le décès de sa veuve en 1897, c'est Céline Magnier, célibataire, qui avait hérité du château et lui avait redonné vie. Bien avant nos châtelains d'aujourd'hui qui transforment leur château en hôtel de luxe ou en gîte de charme, elle avait eu l'idée de rentabiliser son château en logements meublés ! Une grande différence toutefois, à L'Etoile, les locataires n'étaient bien souvent que de modestes ouvriers accourus trouver un emploi chez St-Frères !
Après le décès de Céline, en 1933, le château avait été racheté en 1936 par Jean-Baptiste Machu (brigadier du village), avant de revenir dès l'année suivante dans la famille Magnier (André Magnier, neveu de Céline, cultivateur). Cette période un peu confuse de rachat et de succession avait certainement justifié de la tenue d'un cahier de comptes, recettes et dépenses, cahier qui a été sauvegardé malgré la destruction du château en 1951 !
Les recettes, en dehors de quelques anecdotiques ventes de fruits ou de vieux meubles, n'étaient constituées que du loyer des locataires, par quinzaine, et donc à la même fréquence que celle de la paye à l'usine Saint-Frères. Le loyer était assez souvent d’un montant de 15,50 francs (en 1934), très rarement jusqu'à 50 francs. Aux recettes, s'ajoutait la location des meubles, très variable suivant les locataires, ainsi pour Marcel Barbier une commode évaluée 20 francs et un fauteuil, 5 francs, pour Melle Spincer, un poêle et une table, 20 francs, pour Vincent, une commode, trois chaises, une table, une glace et une armoire pour 60 francs. La location de base ne devait donc comprendre qu'un lit !
Dans les premières années du cahier, les dépenses, relatives au château et à la ferme, étaient aussi minutieusement détaillées sur les versos des pages. Pour celles concernant directement les locations, elles étaient relatives à l’entretien avec Marceau [peut-être Marceau Lagache, qui est connu pour avoir déclaré quelques décès au château], à l’entretien général, payé à 2 francs de l’heure à Hélène [Hélène Richard, belle-sœur d’André Magnier] presque toujours pour 15 jours de travail à 15 francs (donc à plein temps), soit 225 francs. On relève aussi des achats (tissu pour les paillasses, balais, savon, vitres à remplacer, etc.) ou autres frais. Par exemple, « Tissu pour paillasse et couvertures : 38 francs », « Raccommodage draps, et tissu pour raccommoder : 50 francs », « Vitre, Maison Odelin : 12,50 francs » ou « Frais pour conduire une locataire à l’hôpital, 20 francs » (2 fois).
L'exploitation des données de ce cahier est assez difficile. Aucune rigueur ! Des pages manquent, les périodes de lacune sont importantes, notamment durant une partie de la guerre. Et pas question de perdre un emplacement libre dans le cahier : arrivé à la dernière page, le cahier avait éte réutilisé, de la fin vers le début, en comblant chacun des trous de bas de page... Les locataires sont mentionnés tantôt par leur nom, tantôt par leur prénom, ils sont parfois barrés et il n'est pas toujours aisé de comprendre si une mention concerne un retard de loyer de six mois, une présence avec paye assidue, ou une avance sur entrée...
Il n'est pas possible, à l’aide de ce cahier des loyers, de déterminer avec certitude le nombre d’appartements loués. Toutefois, on peut observer, qu’en moyenne, le nombre d’appartements occupés va décroître progressivement : près de 30 en 1935, un peu plus de 25 de 1936 à 1938, voisin de 20 de 1939 à 1941, inconnu en 1942 et 1943, de l’ordre de 7 en 1944 et en 1945, passant de 5 à 1 entre 1946 et 1949. Rappelons qu'en 1951 le château fut démoli. L’arrivée des troupes allemandes à L’Etoile, le 20 mai 1940, n’avait eu qu’un effet mineur. Par contre la guerre semble bien à l’origine des lacunes du cahier en 1942-43 et de l'accélération de la sensible diminution du nombre d’appartements loués à partir de 1944.
Le recensement de 1936, qui aurait dû permettre de retrouver facilement les locataires, apporte au contraire de nombreuses surprises. Ainsi, trois des locataires du château sont recensés rue d’Amiens (Boubeker, Jourdain et Martel) ! C’est peu crédible, du moins pour Jourdain. Est-ce une erreur de rue dans le recensement, résultant d'inscriptions décalées ? Encore plus curieuses sont les absences de mention dans le recensement de Daussy, du moins au château, et celles de Rohaut et de Edouard Vincent, ni au château ni même dans le village !
Le recensement de 1946, lui, devrait mentionner cinq chefs de ménage au château. Mais si l’on relève effectivement Maurice Boudin et Ernest Lafosse, et si Barbier pourrait être représenté par Lucie, par contre aucun des Avisse recensés n’habite rue St-Martin, et il en est de même pour les Peronne... Oublis ?
Il a été relevé 118 noms de locataires. Rappelons que la prudence s'impose, les prénoms n'étant que rarement mentionnés. Deux noms identiques peuvent correspondre à deux locataires distincts. Deux noms différents peuvent avoir été réunis par économie, amitiés, concubinage ou mariage. Enfin un nom n'est pas nécessairement synonyme de présence, il peut s'agir d'un retard de loyer !
Voici la liste, par ordre alphabétique présumé des nom et prénom, entre le14 avril 1934 et le 29 janvier 1949 (avec lacunes) : ALDERWEIRELD (Aldervérèle) ; AVISSE ; BARBIER Achille ; BARBIER Marcel (Voir aussi Cailly) ; BEGUIN Jules [et Soyer] ; BELGUEULE ; BILHAUT [René] ; BLIN (Blein) ; BLOQUET ; BOUBEKER, Ben Lassen ; BOUDIN [Maurice] ; BOURGEOIS Camille ; BULANT Léonce ou DUMONT ; CAILLY/BARBIER ; CARON Marceau ; CARPENTIER ; CHAÏBA=CHAÏLA André ; CHATELAIN ; COITTANT ; CONTIS ; CORMONT ; COURTIN ; COURTIN Suzanne ; COZETTE (Cossette) ; CRESSET (Cresey) ; CUVILLIER ; DAGORNE ; DAMAGNEZ Clarisse ; DANTEN Marie-Ange ; DANTIN (Marie ?) ; DANTIN Robert ; DAUSSY ; DAVERGNE [Léon Emile] ; DAVERTON [Georgette ?] ; DE St-RIQUIER (Desaint-Riquier) ; DECAIX Simone ; DELASSALE Gustave ; DELATTRE [Valéry (et Marguerite LARIVIERE)] ; DEPPELIN Marie ; DESPLAINS Marie ; DEVAUCHELLE (Voir DUV...) ; DUCHAUSSOY Julien [Ernest] ; DUCOIN ; DUFLOS ; DUMONT ; DUVAL ; DUVAUCHELLE Gustave/Auguste ; ECHANNO L. ; FONTAINE Olga ; FOURNIER ; FRESNOY ; GAFFEZ [Alphonse] ; GALLAND ; GAMAIN Marguerite ; GRAMPON ; GRILLY [Joseph] ; GUILBERT Paul ; GUILLAIN ; GUILLEMONT Lucien ; HEROUART (Erouard) ; HERVIEUX Julien ; HUCHIN [Auguste] ; JEAN Georgette ; JOURDAIN Robert ; JUMMEL ; LAFOSSE [Ernest] ; LANCIAUX ; LAUWER=LAURER Jules ; LEBERTON ; LECUL Ilméda ; LEFEVRE Lucien ; LEGRAND ; LEGRAND=Zélia ; LEPAGE Alphonse ; LEPAGE Louis ; MAGNIER André ; MAILLARD [François] ; MANN ; MARTEL ; MARTEL Charles ; MARTEL Emile ; MARTEL Fernand ; MENU (Mme) ; MESSIO ; MESSIO Dominique [et Crampon Eugénie, sa mère] ; MESSIO Valentin ; MOULIER ; NORTIER ; PARIS Paul ; PARIS Vincent (?) ; PATRY [Nicolas] ; PERONNE ; PERONNE Robert ; PERRIN (Mme) ; PIQUET ; ROBERT François ; ROBERT J.-Bte ; ROHAUT (et CABOCHE Julia) ; ROUCOUX Andréa ; SAC-EPEE ; SANNIER (François ?) ; SANTERRE Désiré ; SAUMONT ; SINOQUET [Adrienne] ; SOTTY André ; SOYER [Marie-Louise (voir BEGUIN)] ; SPENCER (Spincer) Marie ; TERNOIS Ghislaine/VASSEUR ; TERSILIO, DELLA (DEA) MEA ; TETU ; TUNCQ (Tinc) ; VACAVANT ; VANDEPUTTE ; VASSEUR (Voir aussi Ternois) ; VERDEGHEM ; VIEZ Arsène ; VINCENT Edouard ; VINCENT Prosper.
On naît et meurt au château, comme partout, et dans des conditions semblables. Pour les décès, citons ceux explicitement désigné au château : François TOULLET en 1922 (45 ans) ; un enfant naturel mort-né de Marie-Ange LAGACHE en 1933 (24 ans) ; des jumeaux sans père désigné de Marguerite GAMAIN en 1934, l'un mort-né et l'autre âgé de 2 mois ; René BEGUIN en 1934 (un mois) ; Ginette DELATTRE en 1936 (2 mois) ; Marie CAILLY en 1938 (veuve DESPLAINS, 73 ans) ; Georges BOURGEOIS en 1939 (63 ans) ; Alfred Joseph TUNCQ (60 ans, célibataire) ; Clarisse DAMAGNEZ en 1942 (76 ans, née à Naours, veuve CARON) ; Nicolas PATRY en 1942 (62 ans, né à Longpré, époux ROUSSEAU) ; Alain BLIN en 1942 (un mois) ; Jeannine BARBIER en 1942 (20 jours, fille d'Achille et de Edwige KSIAZYK) ; Maurice BOUDIN en 1945 (un mois) ; Maria SEGAUX en 1946 (81 ans, veuve MENU).
Un complément pour 1929 : Une feuille volante, trouvée dans un autre dossier (un cahier de catéchisme de 1901), comporte le relevé des travaux pour 1929. Ceux concernant les vraisemblables locataires du château citent la chambre MONTIGNY (Marchandises), la chambre BELARDIN (1 gond, une heure, puis la réparation d'une porte, 3 heures et demie), les serrure et porte DULIN [Henri ?], les serrure et porte BLANCHARD [Louis ?] et Dina, et une serrure chez PETERS. Les autres travaux sont relatifs à une boucle pour collier de chèvre (deux fois), réparations de talons (2 fois), de poële, façonnage d'une tole de dessous de poële, maçonnerie de cheminée, clanche à la porte du grenier du château, réparation d'une baignoire (4 soudures), un travail à la cabane à lapin, etc.
Un fichier Excel a été réalisé (une ligne par nom et une colonne par quinzaine).
Les notations suivantes sont utilisées dans le fichier : x pour un paiement, + un retard provenant des 3 pages datées de septembre 1940 à juillet 1941, b si la ligne est barrée, 2q pour 2 quinzaines, 3m pour 3 mois. S’il y a une prénom, c’est le premier vraisemblable rencontré qui ait été mentionné, il peut donc être faux après une longue interruption de location. Les tirets (-) ont été ajoutés pour des cases où très vraisemblablement le locataire était présent, par exemple dans les cases précédant une paye de 3 mois de location. Avant son départ, on peut trouver un point d’interrogation (?) ne sachant si les dernières payes ne sont que pour retard de paiement ou incluent une présence. Attention donc à interpréter avec prudence la présence ou l’absence du locataire, et de sa famille, selon qu’une case n’est pas vide, ou est vide !
Pour les recensements connus, il a été ajouté une colonne mentionnant le nombre de personnes vivant au foyer du locataire désigné (épouse ou concubine, enfants, etc.)
Télécharger le fichier (Fichier Ghislain LANCEL, sous Excel, avec Zip). Par manque de colonnes, le fichier comprend deux pages (voir onglets en bas).
Remerciements à Marius Pecquet, Paul Pecquet, Charline Chamu-Pecquet et Régine Pecquet.
Dernière mise à jour de cette page, le 16 septembre 2007.