L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Monuments du vieux cimetière de L'Etoile

Le vieux cimetière de L'Etoile, en dehors de quelques caveaux d'aspect monumental, possède quelques particularités, comme une croix en grès ou la chapelle de l'abbé Patry, ainsi que les croix en fer forgé et les grilles qui délimitaient les anciens caveaux.

La photo (ci-contre) montre le vieux cimetière dominant le village et les étangs (Photo C. Deroletz, 22 mars 2006). Au tiers à partir de la droite, on distingue la croix en grès à proximité de ferronneries. Par sa situation dominante sur le village et les environs, le cimetière est assez souvent visible sur les cartes postales (vue aérienne : CP 231, CP 289, CP 145 et CP 257 ; partie sud est : CP 47 et CP 136 ; partie sud ouest : CP 134 ; muret sud et croix : CP 133).

La croix en grès

Dans le cimetière, s'élève une croix en grès (dite la Croix de Station), une croix composée de trois morceaux de pierre, d'une taille un peu rude. Le socle porte, nettement gravé sur 6 lignes l'inscription : « 1788 | CETTE | CROIX | A ETE FAITE | PAR ANTOI|NE LOIEZ ».

A. Goze, fit paraître dans le Mémorial du Dimanche du 6 septembre 1863 le début d'une publication sur L'Etoile. Il ne manque pas de nous décrire cette croix : « Dans le cimetière on remarque une croix en grès de 2 mètres 50 centimètres de hauteur, d'un assez bon travail. Ses branches sont octogones, ornées de fleurs de lis ; d'un côté est le Christ, que des mains impies ont mutilé, et de l'autre la tête de la Sainte Vierge » [BMA, Pic 21 692, p. 299].

A peine deux années plus tard, Oswald Macqueron en fit une jolie aquarelle (qui semble la vue du côté "tête de la Sainte Vierge"), archivée avec la mention "D'après nature, 22 Avril 1865" [BM Abbeville]. On note toutefois des différences assez importantes avec ce que cette croix est aujourd'hui (proportions, socle, détails des lis). La cause pourrait en être une restauration postérieure, mais l'on sait que l'artiste ne peignait pas en ayant l'œuvre sous les yeux. Après en avoir mémorisé les éléments caractéristiques, il la restituait de mémoire. A noter toutefois, qu'au verso, on ne voit et ne lit aujourd"hui que la mention INRI !

La description de Goze est reprise dans l'Histoire du Grès et de la Gresserie en Picardie, par E. Héren, lequel estime sa réalisation d'une date bien antérieure à 1788 : « Goze cite, dans le cimetière de L'Etoile, une croix en grès aux bras octogones, ornés de fleurs de lys, portant d'un côté le Christ, qu'on a mutilé, de l'autre une tête de Vierge. D'un assez bon travail, sans moulures caractéristiques, mais paraissant néanmoins du commencement du XVIe s., elle a une hauteur totale de 2m 50 et est en trois pièces ».

Cette croix eut ensuite les honneurs d'une première photographie, sur plaque, réalisée la la Société des Antiquaires de Picardie et conservée par les Archives Départementales de la Somme (Cindocweb 15/21). La datation estimée est dans une fourchette 1900-1913 (mais l'année 1921, comme pour une autre photo du cimetière, semblerait plus justifiée...)

La croix était couchée en 1992 mais elle fut redressée et re-cimentée bénévolement par M. Legroux, artisan à Flixecourt, en novembre 1994.

Note : Cette croix se trouve actuellement en bas de la petite allée verticale (extrémité ouest de la rangée I). Elle se situe donc dans la parcelle d'agrandissement qui ne fut acquise qu'en 1876 ! Il y a donc contradiction entre sa situation actuelle et sa date gravée, antérieure d'un siècle (1788), ainsi qu'avec les mentions de Goze qui la décrivait en 1863 ! Je pense donc que cette croix a été déplacée, au moins une fois. Peut-être se trouvait-elle plus haut sur le Camp-César (impression donnée par l'aquarelle de Macqueron), ou bien était-elle un calvaire placé par hasard en bordure du cimetière sur l'ancien "chemin de Beauquesne" qui le contournait alors avant de prendre la direction de Beauquesne ? Les registres de L'Etoile ne font mention d'aucun Loier. Antoine Loier (Loiez), graveur et sculpteur de cette croix, pourrait donc bien être natif d'un village voisin, tel Beauquesne, Vignacourt ou Flixecourt. On sait par exemple qu’un François Loiez originaire de Vignacourt se maria à Flixecourt en 1673. On relève aussi des Loyer à Berteaucourt-les-Dames (G. L.)

Chapelle de l'abbé Patry

Le souvenir de l'abbé Martial Patry (1815 - 1859), Maître de pension à Abbeville, est évoqué dans Le Clergé Picard et le concordat, publication du chanoine Le Sueur. A L'Etoile, il était surtout connu par sa chapelle dans le cimetière, représentée à côté de l'église sur la célèbre aquarelle du village, peinte par O. Macqueron en 1865.

Une grande et lourde plaque commémorative (82cm x 45cm x 10cm) avait été posée au-dessus de la porte de la chapelle. On pouvait y lire : "Ici repose le corps de messire Martial PATRY prêtre / fondateur d'un pensionnat de jeunes gens à Abbeville Somme / né à l'Etoile le 8 janvier 1815. Il est décédé à Liencourt Oise / le 20 septembre 1859 / Sa maxime a été celle du divin Maître : / Laissez venir à moi les petits enfants. / Sa famille qu'il a aimée lui a érigé(e) ce monument. / Ici repose aussi le corps de son bienfaiteur Monsieur l'Abbé PLE / curé de l'Etoile décédé en 1853. / O vous qui passez ne les oubliez pas." Cette lourde plaque, qui peut encore se voir sur une carte postale (CP 257), est maintenant tombée et a certainement entraîné dans sa chute la partie supérieure de la chapelle. La chapelle, du moins ce qu'il en reste, se trouve au nord est des ruines de l'église. Il n'y a plus de toiture, des pans de murs sont tombés à l'extérieur comme à l'intérieur. Le lierre et les bosquets cachent le site, la porte a disparu, la plaque est dans les broussailles [J. Hérouart (03/12/03)].

Ferronneries

Les tombes délimités par une clôture métallique ne manquent pas dans le cimetière de L'Etoile. Mais jadis il y avait également beaucoup de croix en fer forgé...


Enfilade de ferronneries de clôtures de concessions (rangée du bas, à proximité de la croix de grès, 29/11/06)

Jean Pédebœuf, dans son ouvrage Croix de fer, un artisanat picard disparu, publié en 1972 et réédité en 1998, s'alarmait déjà de la disparition progressive dans les cimetières de ces ferrailles jugées disgracieuses. Pour L'Etoile, à la suite de l'incendie de l'église, les croix isolées avaient été rassemblées par terre près de l'édifice en ruine (avril 1997). Il avait un temps été envisagé de transformer l'enclos de l'église en un petit musée à ciel ouvert, délimité en quatre secteurs par deux allées en croix, l'un des secteurs devant être réservé à la mise en valeur de la ferronnerie du Vimeu où y auraient été exposées ces plus vieilles croix du cimetière. Mais ce projet n'a pas eu de suite... Jacky Hérouart, alors maire, avait donc fait entreposer ces croix dans le local communal du Bol de Lait, aujourd'hui rasé et l'on ne sait pas ce qu'elles sont devenues... L'Etoile ne manquait pas d'intérêt, Pédebœuf le signale : "A Long et L'Etoile aussi, nous en avons trouvé de très originales, ce qui semble indiquer qu'il y avait une fabrication locale". Mais il est possible que des motifs préfabriqués aient été assemblés par les forgerons locaux. A L'Etoile comme ailleurs, on relève de nombreux éléments en forme de haricot. Voici les 8 représentations de croix de L'Etoile figurant dans l'ouvrage de J. Pédebœuf, ouvrage que l'on pourra toutefois consulter avec intérêt car les croix y sont regroupées par ressemblances graphiques en provenance de divers villages.

          

Certaines de ces croix subsistent encore ! La troisième est celle de la tombe de Louisa Lancel (1865-1952) et de Maurice Bodereau (1858-1914), époux inhumés au nord-est de l'église. Pourrez-vous retrouver les autres ? ou en trouver de nouvelles ?

Croix Bodereau-Lancel Autre croix, provenant d'une tombe à l'abandon, à proximité de celle de Bodereau-Lancel (nord-est de l'église).

Autres tombeaux

Même en ciment, les pierre tombales témoignent d'une époque. Elles en reflètent le style et laissent parfois deviner le niveau des croyances religieuses et celui des ressources familiales. Ci-contre une pierre tombale de la Famille Lancel, en 1875. Sur la pierre tombale, placée près de l'église, on peut encore deviner, gravé dans le ciment : "... LANCEL, décédé le 12 mars 1875, âgé de 17 ans" (Photo G. Lancel, 26 octobre 2003). Albert Adolphe Lancel, né le 5 février 1858 à L’Etoile, décédé le 13 mars 1875 à L’Etoile, était fils de Adolphe Blimont LANCEL, petit-fils du meunier du village.

 

 

Remerciements : Archives Départementales de la Somme (Photo sur plaque de la croix, archivée 14 Fi 28/25), Archives de la BM d'Abbeville en ligne (Aquarelle O. Macqueron), Jacques Fouré (3 photos couleur de la Croix de grès), J. Hérouart (Ferronnerie, photo et ouvrage de J. Pédebœuf, croix au ciel bleu).

Dernière mise à jour de cette page, le 26 janvier 2008.

 

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