L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Le dernier jour de l'église de L'Etoile
(Incendie de la nuit du 16/17 juillet 1991)

Mercredi 17 juillet 1991 (1), il est minuit passé de 45 minutes ; M. et Mme X..., revenant de chez des amis de Condé-Folie, rentrent chez eux, rue du Dr Eugène Richard à L'Etoile, en droite ligne de l'église. C'est une nuit calme et paisible. Une demi-heure plus tard, M. Claude Godet, alerte M. Jacky Lafosse, adjudant du Centre local de première intervention des pompiers que la toiture de l'église est en feu ! Dans le même temps d'autres personnes du voisinage alertent les pompiers de Flixecourt, et très vite, M. Lenfant, commandant du Centre de secours de Flixecourt, face à l'étendue du sinistre, lance en appel pour obtenir du renfort. Un témoin affirme avoir vu les flammes depuis Vignacourt !

(1) Et non le jeudi 18 juillet, comme il a parfois été dactylographié par une malheureuse initiative de transcription.

Tristesse, désolation ! Le chœur est ravagé, le toit n'existe plus ! Il n'y a plus aucune trace du maître-autel, ni des statuettes. Seul subsiste l'imposant Groupe en pierre, mais le blason Leblond de son donateur s'est déjà désintégré.

Ce seront 4 casernes (L'Etoile, Flixecourt, Airaines et Amiens) et 30 hommes qui vont tenter l'impossible en préservant ce qui peut être sauvé.

Jacky Hérouart, alors premier adjoint de la commune, poursuit son récit. Vers 1 h 53, le téléphone sonne chez moi. Mme Lafosse m'apprend la terrible nouvelle. De ma fenêtre je constate que d'énormes flammes s'élèvent vers le ciel.  Intrigué, je m'aperçois aussi qu'à intervalles réguliers des gerbes d'étincelles jaillissent de part et d'autre de l'église. A 2 h 05 je suis sur place et note la présence d'une camionnette E.D.F. La gendarmerie de Bernaville arrive quelques minutes plus tard, suivie des pompiers d'Amiens.

Je reste sans voix, la gorge nouée devant le spectacle insoutenable qui se déroule sous mes yeux. Des tuyaux jonchent le sol, les moto-pompes rugissent, des ordres fusent. Dans le crépitement du brasier des inquiétudes apparaissent : "Il nous faut encore une rallonge... On ne voit rien, il nous faudrait de l'éclairage... Méfiez-vous, ça risque de s'écrouler".

Soudain, dans un fracas terrible, une partie de la toiture s'écroule. Messieurs Lafosse et Lenfant procèdent à l'appel ; ils constatent avec stupeur qu'il manque un homme... Les minutes passent interminablement. Enfin l'éclairage tant désiré arrive et, soulagement, le pompier manquant apparaît dans l'embrasure de la porte, poussiereux mais sain et sauf ! Sans attendre, il reprend admirablement la lutte.

Tristesse, désolation ! La vue du côté nef est tout aussi affligeante ! Seuls la chaire (à droite) et le Christ en croix (sur la gauche) ont assez bien résisté à l'incendie. N'ont cependant pas trop souffert, l'estrade et les bancs couverts de gravats. Par contre l'orgue a totalement disparu, de même que les statuettes des murs...

Pour ce qui m'avait intrigué, au sujet des gerbes régulières d'étincelles, je constate avec surprise qu'il s'agit d'un câble E.D.F. (380 volts triphasé) qui se met en court-circuit, projetant de l'aluminium en fusion ! Le lendemain, on découvrira que ce câble a entièrement fondu, depuis son point d'ancrage à 20 cm sous la toiture jusqu'à la traversée du mur, à environ 1,50 m du sol, et qu'il s'est décomposé en boules d'aluminium collées sur la pierre. Les hommes s'énervent "Qu'est-ce qu'il attendent pour couper le courant !" Tant qu'il y aura de l'électricité, impossible d'arroser sans risques du côté du chœur. Il est plus de 2 h 30 et ce câble E.D.F. est toujours sous tension, dangereux. Lorsque le courant sera enfin coupé, l'incendie est pratiquement circonscrit. Vers 3 h 15, les pompiers n'ont plus qu'à noyer quelques brasiers subsistants. Les lueurs se sont éteintes, l'obscurité de la nuit l'emporte à nouveau.

                   

Du côté du chœur, au nord, ce n'est pas mieux, l'harmonium est inutilisable mais ses boiseries avaient résisté du côté nef (de même que la statuette de Ste-Thérèse qui se trouvait à proximité) et des missels sont intacts ! Côté sud, près de la porte d'accès, là où se trouvait la table avec la statuette de la Ste-Vierge de l'Immaculée conception, rien de subsiste hormis les boiseries murales...

A 7 h 45, en présence de M. Minard, maire de la commune arrivé sur place, nous ne pouvons que constater l'étendue des dégâts. Seuls les fonts baptismaux et les deux cloches placées sous la tribune n'ont pas eu à souffrir des flammes. Tout le mobilier a disparu ou est irrécupérable, ou se détruira (comme les statuettes en plâtre malmenées sous l'effet de la chaleur et de l'eau).

Le jour même et dans les jours suivants, de nombreuses réunions eurent lieu, avec l'abbé Maille (économe du diocèse), M. Bruno Didelot (expert auprès du cabinet Galtier), M. Loquet (expert du contrat avec la Compagnie d'assurance), M. Pontroué (Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Somme), etc.

La cause du sinistre semble être un câble E.D.F. ayant embrasé la charpente sous le toit, lequel en s'écroulant a propagé le feu au mobilier se trouvant au sol. Plainte est déposée à l'encontre d'E.D.F.

L'inventaire après l'incendie

Peu de temps après l'incendie, M. Jacky Hérouart, adjoint délégué au maire du village, en collaboration avec M. l'abbé A. Catel, alors curé de L'Etoile depuis 22 ans, ont fait un inventaire de ce qui avait péri la nuit du 16 au 17 juillet 1991 :

Rem : Dans cette liste sont oubliés les boiseries du chœur et plusieurs tableaux détruits du Chemin de croix, les autres étant à restaurer, et divers objets comme les 2 (ou 3) tabourets à pied cylindrique placés près de l’autel pour enfants de chœur, et surtout le reliquaire personnel de l'abbé Pont. Le confessionnal n'a laissé aucune trace, il avait très propablement été démonté bien avant l'incendie...

           
La première photo, prise le 17 juillet entre 6h30 et 7 heures du matin, montre que le blason Lebond du Groupe en pierre, au-dessus de la petite niche de service, s'était déjà délité le lendemain de l'incendie. Les autres photos sont extraites d'un film pris au camescope : le coin sud-ouest avec au premier plan le bénitier à gauche de la petite porte d'accès ; l'abbé Catel redécouvrant les ruines, six mois après l'incendie ; le fond nord-ouest de la nef avec les 3 cloches, les fonts baptismaux, un prie-Dieu et l'estrade de l'orgue en bon état, les murs sans même une trace de fumée ! (mais le confessionnal qui était dans ce coin n'y est plus !) ; deux bancs d'enfants de chœur, le cerclage du vitrail de la toiture de l'abside et le fauteuil de célébrant ; des chandeliers ; une page de l'antiphonaire de l'autel (rien à voir avec le magnifique ouvrage polychrome qui se trouvait dans les armoires du clocher...) ; l'abbé Catel à nouveau, avec au murs les plaques pour les Morts pour la France, et à gauche celle en souvenir de l'abbé Pont (à ne pas confondre avec celle de l'abbé Coisy, sous le Christ en croix du mur sud).

 

D'après le polycopié "Notre Eglise Saint-Jacques le Majeur" (alors distribué à la population du village) et l'inventaire de J. Hérouart. Crédit photo : J. Hérouart, ensemble des photos dont les sept dernières, prises au camescope, la première le 17/07/91 et les six autres 19/01/92.

Dernière mise à jour de cette page, le 27 novembre 2007.

 

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