L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
Le presbytère n'existe plus à L'Etoile. On en conserve toutefois le souvenir par quelques cartes postales (CP 132), où on le voit encore, imposant immeuble s'avançant en direction du village avec sa verrière exposée plein sud (CP 128 et CP 91), puis détruit et ne subsistant plus que par quelques gravats (CP 227).
Les archives départementales de la Somme conservent un énigmatique dossier (99O1619), portant en titre "Aliénation du presbytère. Sans suite". On y apprend que la délibération communale du 31 août 1932 avait décidé de sa vente. Le 23 janvier de la même année, la Préfecture avait été informée par une lettre anonyme de la tenue d'un précédent conseil municipal en date du samedi 16 janvier, concernant la résiliation du bail du Belvédère, ancien presbytère, avec suspicion que l'on veuille créer dans cette maison un foyer communiste...
A la suite de la modeste contribution de ce haut de page, un appel avait été lancé pour plus d'informations. A son habitude, Jacky Hérouart a répondu présent. Voici son texte intégral, accompagné de ses photos et plans explicatifs.
LE PRESBYTERE, Rue du Presbytère (rue de l’église aujourd’hui)
C’était un bâtiment imposant édifié sur une énorme plateforme bétonnée dans un talus fortement abrupte. Côté sud on avait édifié une verrière qui surplombait le vide impressionnant. Il était courant de le nommer le Belvédère. Ce bâtiment communal bien que grandiose ne comportait que deux logements avec étages aux nombreuses pièces. Chaque logement l’un au sud l’autre au nord possédait sa cheminée. On y accédait d’une part en empruntant la rue du Presbytère par deux énormes vantaux côté est, mais le plus souvent on utilisait le portillon côté nord. On pouvait éventuellement, selon le point de départ dans la commune c'est-à-dire de la rue du 8 Mai, y accéder par la ruelle Mathieu qui prend naissance face au chalet Lancel, ou par la ruelle Ducrotoy prenant naissance face à la rue au Sac.
On ignore à quelle époque ce bâtiment a été érigé, mais on le trouve sur le plan napoléonien de 1830 On sait également que l’abbé Leclercq Antoine qui fut curé de l’Etoile dés 1697 et qui habitait le presbytère, y est décédé en 1720 ! Le plan napoléonien ne doit pas être complet puisque apparemment il n’y a pas de murs épais et les deux piliers supportant les deux énormes vantaux mais l’on devine le portillon côté nord. Côté est, ainsi que sur une grande partie de la ruelle Ducrotoy , il existait une clôture métallique construite d’une part sur le mur bétonné et d’autre part sur le mur en briques haut de plus de trois mètres qui lui supportait le jardin. Une intervention de l’abbé Lejeune entre 1853 et 1863 laisse supposer qu’un nouveau presbytère a été érigé ou modifié. Il désirait que la façade soit du côté de la rue afin d’avoir une vue complète sur la vallée. On ignore ce qu’il en fut ?
Sur la droite côté rue de l’entrée principale, encastré dans le mur et doté d’un toit en briques de forme pyramidale il existait un puits. L’énorme manivelle actionnait une pompe à godets. D’après Mr Gigaut "la nappe devait être à une profondeur « pas possible » au vu du nombre de coups de manivelle qu’il était nécessaire de donner avant que l’on commence à avoir de l’eau. Mais moi j’avais la chance que ma maison se trouvait dans le bon sens de la pente de la rue. Mes deux seaux pleins, trop lourds à mon gré, je n’avais qu’à me laisser emporter par cette pente pour accéder chez moi."
Au sous sol on y trouvait des caves reliées entre elles par un corridor que les locataires surnommait souterrain pour la simple raison qu’après la traversée du bâtiment il passait sous le jardin en direction de la ruelle Ducrotoy et ce jusqu’à l’extrémité de la clôture pour déboucher dans le talus en face de la rue aux Sacs. Grâce à un enchevêtrement de broussailles et d’arbustes dans le talus très abrupte qui n’était jamais entretenu (encore aujourd’hui) l’entrée était pratiquement invisible tout le long de l’année.
(Liste de locataires)
On relève quelques curés et instituteurs ayant habités dans l’un des 2 logements de ce presbytère :
De 1697 à 1720 l’abbé Leclercq qui y est décédé le 20 janvier 1720.
En 1729 on note la présence de Claude Groulle qui demeurait au presbytère. Ce dernier avait très certainement une parenté avec Vincent Groulle qui fut curé à l’Etoile de 1724 à 1748.
De 1785 à 1791 Carpentier Pierre instituteur et Carpentier Alexis de 1825 à 1855
De 1830 à 1853 l’abbé Plet Romain et sa domestique Tellier Adélaïde.
De 1836 à 1851 Mr Carpentier Claude instituteur et son épouse Devraigne Clarisse et leur fils Hyppolite.
De 1870 à 1882 Caron Athanase instituteur et sa mère Genevieve Mouret
De 1863 à 1878 Bourgois Pierre curé, sa mère Genevieve sa sœur Marie et la domestique Dennefer Marie
De 1898 à 1904 Fournier Arthur instituteur
DE 1905 à 1908 Mellier Gaétan instituteur et son épouse Luthin Jeanne
De 1880 à 1905 Pruvost Jean Baptiste Curé et Boulanger Clarisse domestique
De 1908 à 1913 Lourdel Henri Instituteur
De 1905 à 1927 Coisy Alexandre Curé, sa mère Marie , sa sœur Marie Ce fut le dernier curé à habiter dans ce presbytère.
En 1936 Lenne Eugène instituteur et sa femme Dain Jeanne
Au début des années quarante arriveront Bernadette Cailly et son époux Allou René,
Chireux un footballeur de l’avenir de l’Etoile
Mr et Mme Avisse Albert et leur trois enfants : Claude, Christianne et Claudine. Et le 12 juin 1948 l’on enregistre une naissance dans la presbytère !! En l’occurrence René leur 4e enfant.
Malheureusement le bâtiment devient dangereux, des pierres se détachent, de plus en plus d’humidité rendant les pièces insalubres, etc. De ce faite le docteur Richard maire est obligé de faire procéder à la démolition en 1951 /1952. Les caves, le souterrain, le puits ont été remblayés
Aujourd’hui un parking a été créé sur l’ensemble bâtiments jardin. Hormis les murs de soutènement, plus rien ne laisse supposer qu’à cet emplacement existait un presbytère.
Peu avant 1927 Christian Saint achète une maison sur la droite en direction de Condé-Folie située dans le premier virage (Voir photo, ci-dessous). Mr Chevalier Athanase curé de l’ETOILE de 1927 à 1936 préférant se rapprocher des habitants viendra habiter dans le logement de gauche. Par contre c’est dans le logement de droite que tous les prétendants à la communion solennelle et à la confirmation se réuniront afin de préparer les cérémonies. C’est donc en cet endroit que Melle Deschamps Rolande (ma mère) et de nombreuses centaines de jeunes gens viendront au catéchisme tous les jeudis après midi et ce pendant trois ans. Rolande a communié en mai 1937. A l’arrière de la benne du camion, (Voir photo) à l’emplacement des arbustes se trouvait un très long bâtiment accolé au pignon de l’habitation, bâtiment qui fut démonté il y a quelques années. C’est dans celui-ci que s’effectuaient les réunions rassemblant passablement de personnes ayant un rapport avec la religion, par exemple les rassemblements de la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) etc.
Après le départ de l’abbé Chevalier, c’est l’abbé Pont qui le remplacera de 1936 à 1966. A son arrivée comme il devait également desservir la commune de Condé Folie il a préféré habiter au presbytère de ce village avec sa mère et sa sœur. Il est décédé tragiquement le 24 décembre 1966 d’un accident de voiture à Condé. Pour les cours de catéchisme il abandonna le logement au profit du local y attenant. C’était un peu une salle d’école. Des tables à droite et à gauche avec une allée centrale où se trouvait le poêle cylindrique assez haut et un très long tableau mural.
Ce bâtiment avait pour nom Presbytère avec pour titre Foyer Saint Jacques du nom du Saint Patron du village. Lors des communions tous les communiants (tes) pour se rendre à l’église allaient s’aligner les uns derrière les autres selon le classement, d’abord les garçons, ensuite les filles suivi des parents et amis invités et ce à une centaine de mètres du Foyer de telle sorte que toute la procession passe avec recueillement devant ce Foyer ;
(Seconde Guerre mondiale, poste de guet)
Il y a une trentaine d’année à la recherche d’évènements survenus entre 1939 et 1944 lors de la période d’occupation, un FTP m’avait rapporté une anecdote, mais n’ayant jamais eu confirmation j’avais conservé cette anecdote pour moi.
Et dernièrement à la recherche d’éléments concernant l’histoire du presbytère je me suis trouvé face à deux personnes qui, il y a trente ans ne se trouvaient pas à l ‘Etoile et qui me confirment ce dont il me manquait c’est à dire la présence d’un souterrain entre les caves du presbytère aboutissant à l’extrémité de la parcelle dans le talus !
Cette fois il m’est possible de mettre noir sur blanc cet évènement survenu pendant l’occupation.
Pendant toute la période d’occupation, l’on sait qu’il y eut une kommandantur au chalet Lancel Bodereau et un regroupement d’officiers et de soldats dans le logement Fiévet situé rue aux Sacs. Il y avait également un cantonnement de 30 à 35 soldats à l’abbaye de Moréaucourt. Pour les FTP locaux, mais également et surtout pour tous les résistants de la région il était nécessaire de connaître les mouvements de ces allemands. Etaient-ils sur place ? ou partis en reconnaissance et vers quelle direction ? L’Etoile se trouvant à un carrefour la direction choisie pouvait donc être vers Flixecourt et au-delà ? , vers Long, Pont Rémy, Abbeville ? vers Condé, Longpré, Airaines Hallencourt etc. ou encore vers la nationale pour ensuite gagner Ailly le Haut Clocher, ou vers Domart en Ponthieu etc. L’idéal était donc de mettre en place un service de surveillance mais pour ce faire il était nécessaire de surplomber le secteur rue aux Sacs, chalet Lancel et si possible à l’abri des intempéries et des personnes. L’endroit rêvé et idéal fut vite sélectionné : Le presbytère. Mais il est nécessaire de savoir qu’il y avait le risque d’une part de se faire repérer par des riverains mal intentionnés de s’apercevoir que certaines personnes se dirigeaient très souvent vers le presbytère. Et également par des guetteurs allemands situés sur la plate forme du clocher de l’église et qui se relayaient jour et nuit pour justement eux aussi surveiller les environs. Ces derniers avaient réussi le tour de force d’y hisser une mitrailleuse. Les craintes se révélèrent injustifiées puisque pendant toute l’occupation la surveillance s’est effectuée sans soucis. Mais pour ce faire il a été nécessaire de prendre certaines dispositions et en particulier l’accès. Plusieurs possibilités se présentaient par les ruelles Lancel, ou Ducrotoy ou la rue principale dite du presbytère et de temps en temps après être monté au Camp de César par le chemin de Saint Ouen (nouveau cimetière) de redescendre en traversant le vieux cimetière et les jardins juste en face du presbytère et d’entrer directement par le portillon au nord. Il y avait donc quatre possibilités d’accès mais subsistait le problème qu’il n’y avait que deux entrées soit le portillon au nord et les deux énormes vantaux en façade, mais tous les deux en face et a proximité des habitations. La solution fut vite trouvée lorsque les FTP apprirent qu’il existait un souterrain reliant les caves du presbytère à la ruelle Ducrotoy et de là on pouvait également atteindre la ruelle Lancel avec éventuellement la possibilité de traverser la parcelle d’un particulier et de ressortir par l’arrière de la cité de la Musique donc sur la place publique et ce sans se faire remarquer par les guetteurs situés sur la plate forme du clocher.
Et pendant plus de 4 ans au nez et à la barbe de la mitrailleuse un certain nombre de résistants ont exercé une surveillance stricte du chalet et du logement Fiévet et ce au chaud, à l’abri des intempéries été comme hiver avec possibilité de discuter avec les locataires avec qui toutes les dispositions avaient été prises.
Je n’ai obtenu que très peu d’information de savoir si cette surveillance s’est révélée efficace ou pas, mais il semblerait quand même que ceux et celles (étant donné qu’il y eut également des femmes qui prirent leur tour de garde), que lors d’opérations de sabotages dans le secteur qu’il fut parfois nécessaire d’attendre plusieurs jours pour intervenir et qu’en d’autres occasions faisant courir un bruit dans la commune, voire dans les villages voisins, que soudainement les allemands prenaient une direction opposée à l’endroit souhaité afin de se voir assurer la tranquillité nécessaire pour agir.
Jacky Hérouart, 16 mars 2012.
Remerciements : Claude Deroletz. Source AD 80 (99O1619) ; Jacky Hérouart, qui remercie lui-même, Mr le Docteur Claude Gigaut qui habite juste en face du presbytère ; Mme Darras-Lechoix Claudine qui a habité dans le presbytère avec ses parents.
Première publication le 5 mars 2012. Dernière mise à jour de cette page, 19 mars 2012 .