L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Monument aux morts de L'Etoile - Morts par faits de guerre

Liens vers : La liste des morts par faits de guerre
                       Iconographie (portraits, plaques mortuaires)

En 1921, après que les jugements eurent validé les Morts pour la France (et les pensions de veuves de guerre), allait se concrétiser à L'Etoile, comme dans presque toutes les communes de France, la réalisation d'un Monument aux morts, en souvenir des disparus de la Première Guerre mondiale. Le projet de sa construction sur un terrain communal, près du groupe scolaire des garçons, avait été pris dès le 31 mai 1919 (avec plan ci-contre daté du 24 juin 1919). Il fallut  graver les noms de 59 personnes. Ceux-ci nécessitèrent deux plaques entières, rivées ensuite sur deux des faces de la base hexagonale de ce monument surmonté d'une forme pyramidale. La Seconde Guerre mondiale achevée, il fallut à nouveau graver 18 autres noms sur une troisième face du monument, puis ajouter encore celui de Robert TROUILLET (Algérie). Au total, on compte donc 78 noms, des hommes mobilisés, une femme, des civils, un étranger (Belge), tous morts pour la France ou au Champ d'honneur.

On relève trois incorrections alphabétiques sur le monument : Noël CAILLY, René HANQUET (Indochine) et Pierre TROUILLET, qui sont placés en fin de liste des victimes de la guerre 1939-1945.

La longue liste ne traduit toutefois pas l'ampleur de la douleur subie par les Stelliens - et les stelliennes - durant la Grande Guerre. En effet, elle ne concerne que des individus qui demeuraient à L'Etoile au moment de leur appel sous les drapeaux (recensés en 1911), et en sont donc exclus les enfants du village partis se marier ou travailler dans d'autres communes. En définitive ce sont (au moins) 96 personnes ayant eu des liens avec L'Etoile qui ont laissé leur vie aux cours des guerres des deux derniers siècles.

On le voit, la liste des noms sur le Monument n'est pas satisfaisante et l'on pouvait espérer que le dépouillement systématique des registres des décès de L'Etoile pour le XXe siècle, en particulier avec les transcriptions (qui pourtant se poursuivent jusqu'en 1957), permettrait de faire le point définitif. Il n'en est rien. Les transcriptions et les mentions de Mort pour la France sont incomplètes. Sur le Monument, des natifs de L'Etoile y sont toujours oubliés tandis que de futurs soldats dont la famille était d'implantation très récente à L'Etoile y sont gravés. Les maires devaient d'une part être informés des décès reconnus comme Mort pour la France, ce qui a parfois été attesté bien après la réalisation du monument, et d'autres part ils se devaient dhonorer les familles de leurs administrés présents... Pour les absents au Monument, même aujourd'hui, une demande en mairie est toutefois toujours possible.

Sont natifs de L'Etoile, sans mention sur le Monument, d'une part Hyacinthe DURAND, mort à Constantinople en 1855, d'autre part Albert BLANCHARD, Henri LAVALLE, René LEFEBVRE, Arthur LEGRIS, Marceau LEVEQUE et Augustin RAOULT (ce dernier ayant pourtant la mention explicite de décès "Mort pour la France, tué à l'ennemi sur le champ de bataille"), tous Morts pour la France en 1914/18, ainsi peut-être que Charles DELECROIX (mais dont l'acte de naissance n'a pas été retrouvé, ni la présence attestée au village de L'Etoile, dans la Somme). Et on compte une quinzaine de Stelliens de naissance dont la transcription du décès n'a pas été enregistrée...

Liste des morts par faits de guerre

La liste des morts par faits de guerre de la base de donnée de L'Etoile (dont le lien se trouve en haut de cette page), reprend et complète celle du Monument au mort. On y a ajouté les natifs de L'Etoile mentionnés dans d'autres communes (communication J. Fouré), et d'autres personnes, comme ce soldat britanique inhumé à L'Etoile. Par ailleurs, deux soldats, morts en 1855 d'une guerre lointaine, oubliés de tous, stelliens, sont honorés dans cette liste ; ces hommes étaient décédés en fonction dans l'armée d'Orient, à Sébastopol et à Constantinople (d'après les transcriptions des décès à L'Etoile).

Pour les morts de 1914-18 dont la fiche est complète, on pourra en consulter l'original sur le site Mémoire des hommes du Ministère de la Défense. Rappelons que la mention " Mort pour la France " est accordée, suivant certaines conditions, en vertu des articles L 488 à L 492bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Inauguration du Monument aux morts de L'Etoile

Ci-dessous, on pourra découvrir le discours d'inauguration du Monument aux morts. Il est sans concession, encore empreint de rancœur. Consulter la base de données, s'attarder à la lecture des causes du décès, compter les disparus portés sur le Monument, y ajouter le nombre de ceux qui étaient partis vers d'autres villages, réaliser que 12 des 16 conseillers municipaux avaient été mobilisés lors de la Première Guerre mondiale (J. Hérouart) sont donc des préalables nécessaires à la lecture du discours.

Le dimanche 17 juillet 1921 le Monuments aux Morts de L'Etoile fut inauguré par M. Roger Roucoux, maire de L'Etoile, en présence de M. Pierre Saint, directeur des Moulins-Bleus présumé ayant avoir pris à sa charge une partie du financement du monument, de M. Paul Lejeune, instituteur, et des habitants et écoliers du village.

La veille de l'inauguration, M. Pierre Saint, avait confirmé sa présence au défilé : « MONSIEUR LE MAIRE, Je suis très touché de l'honneur que vous me faites, vous et le conseil municipal de L'Etoile, en m'invitant à prendre part à l'inauguration du monument des soldats morts pour la France. Je vous adresse mes très sincères remerciements et vous prie de les faire accepter par le conseil municipal. Je considère comme un devoir de rendre hommage aux vaillants fils de L'Etoile qui pour la plupart appartenaient à notre grande famille industrielle et qui ont offert noblement leur vie pour la défense de la liberté et de la civilisation. Je serai donc dans le cortège, demain dimanche. Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de ma considération très distinguée pour vous et pour votre conseil municipal. Le 16 juillet 1921. Pierre SAINT » [Document et photo, J. Hérouart]

Le discours préparé par l'instituteur était moins protocolaire... Paul Lejeune était instituteur aux Moulins-Bleus. Certains de ses élèves et des enfants du voisinage n'avaient plus de père... Par sa fonction il eut à préparer le discours inaugural du Monument au mort. Son texte est très dur, sans concession. Danièle Lejeune, petite-fille de l'instituteur, a conservé les cahiers de notes où il préparait ses discours. Elle nous livre aujourd'hui un document d'Histoire à replacer dans son contexte. « Aujourd'hui on ne parle plus que de l'Europe. Et ces pauvres soldats qui sont morts au combat, qui s'en souvient encore ? On y pense une ou deux fois par an, lors de dépôts de gerbes... Ce discours semble dur, surtout dans la bouche d'un enfant, mais on sortait juste de la guerre. Nombreux étaient les orphelins... Mon grand-père avait lui-même été blessé dans les premiers mois des combats et a gardé des séquelles de cette blessure toute sa vie. Mais il restait dur avec lui et avec les siens. »

 

Paroles prononcées par un élève de l'école des garçons des Moulins-Bleus à l'inauguration du monument élevé aux morts de la Grande Guerre par la commune de L'Etoile.

 

       

« Nous sommes les enfants de la France.
Notre pays s'étend de la mer du Nord à la Méditerranée et des bords du Rhin à l'Atlantique. Il est vaste, il est beau, il est fertile, il est riche, si riche que ses voisins rapaces songeaient à nous le ravir. Ils voulaient nous soumettre à leur domination, nous imposer leurs lois, leur langue leur rude discipline qui ravale l'homme au rang de la bête passive. Ils rêvaient de nous imposer leur " kolossale kulture " leur bière de Munich et leur aigre choucroute. Et nous n'aurions plus été des Français, nous n'aurions plus pensé librement, et nous aurions abdiqué notre qualité de peuple indépendant et nous aurions été condamnés à un esclavage moral atroce, sous le régime du sabre et de la schlague. Les Boches de proie avaient la supériorité du nombre ; ils possédaient une artillerie formidable, des milliers de mitrailleuses ; ainsi que des bandits, ils étaient armés jusqu'aux dents. Ils avançaient certains de la victoire. Nous n'oublierons jamais l'angoisse qui nous étreignit quand les premiers malheurs fondirent sur notre patrie en 1914. Notre salut ne pouvait être assuré que par un miracle. Ce miracle a été accompli par vous, ô sublimes morts de la Grande Guerre. Nous apportons au pied du monument élevé à votre impérissable gloire le tribut de notre amour et de notre inaltérable gratitude.

Nous sommes les élèves et les anciens élèves des écoles. Nous avons étudié l'histoire des glorieux ancêtres de la grande famille française à laquelle nous sommes fiers d'appartenir. Nous savons au prix de quels efforts, de quels dévouements, de quels sacrifices, ils ont marché vers le progrès, vers la civilisation, constituant peu à peu le patrimoine national dont nous sommes les héritiers. Quand nous évoquons nos aïeux, nous voyons défiler les superbes figures du Passé, les hommes stoïques qui luttèrent pour le triomphe des grands principes et des hautes vertus : Liberté et Justice, Amour et Générosité. Dans l'azur de notre imagination apparaissent splendides : Vercingétorix, les milices des communes, le grand Ferré, Ringois, Etienne Marcel, Jeanne d'Arc, Hoche, Marceau, les soldats de Valmy, tous ceux qui ont lutté et souffert pour l'Indépendance et le Droit. Mais quand nous répétons le tragique " Debout, les morts ! " nous voyons surgir, dans l'or éblouissant du soleil la foule innombrable des héros qui ont succombé dans la dernière guerre. Nous pensons aux tranchées boueuses et sanglantes, à la grêle des balles, aux rafales d'obus, à l'enfer du front. Ô chers disparus, nous nous prosternons devant votre héroïsme et, dans les fastes de l'Histoire, nous plaçons vos noms au frontispice du temple de la Gloire.

Nous sommes les orphelins de la guerre. Nous étions bien jeunes encore quand le tambour et la cloche appelèrent aux armes les hommes valides. Avant de courir à la défense de la patrie, nos pères nous étreignirent dans leurs bras robustes, sur leur large poitrine. Ils nous regardèrent longuement ; nous vîmes que leurs yeux étaient infiniment tristes, humides de larmes mal contenues. Cependant, ils se sont éloignés calmes et résolus et bientôt nous apprîmes qu'ils combattaient sur les champs de bataille... Ils ne sont pas revenus s'asseoir à notre foyer... Mais ils sont toujours présents à notre mémoire. Nous les pleurons souvent et parfois une sourde indignation gronde en nous. N'y a-t-il pas des hommes inconséquents ou pusillanimes qui semblent douter du courage de nos regrettés défunts en les assimilant simplement à d'innocentes victimes, à des agneaux bêlants conduits à la tuerie par des bouchers sanguinaires. Nous protestons avec la plus grande énergie contre un semblable outrage à la mémoire de ceux qui sont morts pour nous. En dépit de toutes les aberrations, nos pères demeurent à nos yeux les héros qui ont sauvé la vieille France, la France qui marche toujours à l'avant-garde du progrès portant le double flambeau de la liberté et de la justice. Nous ne trahirons pas la cause de la belle et noble race française, race instruite, hospitalière, brave et généreuse. Pères regrettés, nous faisons le serment de continuer dans la paix et le travail l'œuvre que vous avez commencée dans la guerre et nous nous inclinons devant le monument où vos noms sont gravés en caractères indélébiles pour servir de leçon et d'exemple à la postérité.» P. L.

 

Source du plan du Monument : Cindoc, archivage ADS, R 334031/17 (dossier non consulté).

Dernière mise à jour de ces pages, le 27 juillet 2007.

 
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