L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Auberge de Jeunesse (vers 1950/60)

Les auberges de jeunesse, les célèbres AJ, ont connu leur heure de gloire auprès des jeunes. Elles fournissaient, et proposent encore, une chambre et des repas pour une courte durée, souvent un lit superposé dans un dortoir, des douches communes et des cuisines collectives, avec participation aux corvées : peu de confort et petit prix, mais espoir de rencontrer d'autres jeunes, voyageurs du monde entier ! La première Auberge de Jeunesse en France, fut construite en 1929 à Boissy-la-Rivière (Essonne).

On ne sait que peu de choses sur l'AJ de L'Etoile, mais elle est mentionnée au recensement de 1962, et même en deux endroits, rue d'Amiens et rue de l'Eglise !

Il a été retrouvé un petit prospectus (mais de date imprécise, entre 1953 et 1965) où Jean Pédeboeuf, auteur de nombreux livres sur le Somme (dont "Croix de fer"), invitait les campeurs à venir inaugurer le Relais de L’Etoile.

 En guise de motivation, il décrit le village au recto, la falaise, les petites maisons, le hallebardier, les rafistolages, l’église, etc. C’est tout simple, mais bien senti :

 

L’ETOILE

Nom enchanteur qu’elle qu’en soit l’origine : croisement de routes ou souvenir assez fantaisiste d’un phare qui, autrefois éclairait la mer de la proue avancée de la falaise qu’éclaira ensuite une lumière d’église chrétienne…

Une vieille femme vous dira que l’anneau qui est là dans le mur a servi jadis à attacher des bateaux. Poésie des légendes …L’Etoile reste un croisement de routes entre la falaise calcaire où dort le cimetière aux fleurs de céramique rouge et les étangs immobiles dans les roseaux bis de l’hiver.

Les maisons sont petites, pelées sur l’étroit espace des jardinets en pente, tavelées de plaques humides sur les torchis barbouillés à la chaux, bien picardes avec leurs pannes et leur bouts de murs de craie taillée, leurs giroflées et leurs pommiers. Tout un mélange de passé et de présent bon enfant. On y trouve de tout : le rafistolage des pauvres aux marches de grès disjointes, le ciment coloré des retraités, la cité du temps de « Monsieur Saint », les maisons neuves à jardinets, l’école moderne à statue de béton… Là-haut sur la butte couverte de hêtres ont campé les légions de César et probablement les Celtes et les Acheuléens ? Un puits, sacré, je l’espère, s’enfonce dans la roche, chargée de maléfices… et le menhir blanc gît, bousculé par des mains impies, sur le lit de feuilles mortes. Le jardinier qui soigne ses buissons de roses jaunes et le coiffeur qui cultive des cactus ignorent, bien sûr qu’ils honorent encore la Flore romaine dont on a retrouvé une statue dans la tourbe noire des étangs… L’église est une église de village. Dans ses vignes vierges l’ancienne gentilhommière en ruine n’est pas tellement fière de son tronçon d’échauguette, ni de ses murs délabrés, ni de son pigeonnier massif, soutenu plutôt que décoré par un lierre séculaire que domine saugrenu un hallebardier de fer pour lequel on a construit spécialement une logette de traviole… Mais je m’imagine que c’est lui, par les soirs d’été, quand chantent éperdument les rossignols dans les hauts peupliers éternellement frissonnants, qui cherche à piquer une étoile de la pointe de sa lance.

Qu’importe ! Dans les jardins par les dimanches d’hiver mouillé somnolent les laitues et les couvercles de lessiveuses qui aidèrent à blanchir les scaroles d’automne. La boue blanche des sentiers glissants colle aux chaussures. Un pigeon roucoule sur un toit d’où sort, par un petit rectangle noir, une fumée bleue. Tous les arbustes du talus sont couverts des perles de verre qu’une fine bruine a lentement distillées. Déjà les saules exposés au midi montrent leurs duvets d’argent et les noisetiers leurs chatons de souffre. Les cornouillers font dans les haies des buissons de feu, tourmentés d’on ne sait quel désir ou quelle honte. L’heure grise du soir enveloppe les grands miroirs d’eau bordés d’arbres. Un canard s’exclame. Une auto colore de ses phares jaunes la route mouillée.

Je sais bien que je reviendrai à l’Etoile en mars pour roder dans les ruines de l’abbaye de Moreaucort (si le fermier ne me voit pas) parce qu’elles sont pleines de violettes et de ficaires d’or, elles sont aussi en étoiles, parce que la Nièvre y bouillonne sur des vieilles pierres et des touffes molles de renoncules d’eau, parce qu’il y a sans doute un nid de hibou dans les vieux lierres.

Je sais qu’au printemps je reviendrai à l’Etoile par la route de Domart-en-Ponthieu parce que c’est une des plus belles de Picardie, parce qu'elle descend lentement vers des perspectives extraordinaires de vallées pleines de frondaisons vert pâle et de lointains mauves parce que, avec un peu de chance, j’y retrouverai des tas de pommiers en fleur et les jeunes verdures dans Bouchon.

Je sais que je reviendrai à l’Etoile cet été, que je monterai ma tente au bas du Camp de César dans l’herbe rase, ne serait-ce que pour écouter le vent de la mer qui s’arrête dans les pins odorants et s’amuse à déformer les murmures de voix du village qui montent vers la falaise, mêlés aux cris des volailles, aux aboiements des chiens. Je sais que je regarderai, sans penser à rien, les maisons blanches de Longpré, petites sous un haut ciel pavoisé de longs nuages et les vaches qui paissent au pied du promontoire qui barre la route d’Abbeville.

Il faut bien, de temps en temps se fabriquer des étoiles.

J. PEDEBOEUF.

 

L'inauguration fut un succès, la presse s'en fit l'écho :

 

Crédit photographique et documentation : Jacky Hérouart.

Dernière mise à jour de cette page, le 22 avril 2009.

 
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