L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Rempailleur à L'Etoile

Né le 15 juillet 1935, Daniel Dupont se retrouva apprenti dans une ferme dès sa sortie de l’école primaire en 1949. Depuis plus d’un an déjà, âgé de seulement de 13 ans, il attendait avec impatience le moment de franchir ce cap... Mais il déchanta bien vite lorsqu’il se rendit compte qu’un apprenti, « ça ne gagne pas des mille et des cent ». Pourtant il se donnait à fond, rentrant éreinté chez lui le soir. Un jour il s’aperçoit que son salaire est de 7 à 8 fois moins élevé que celui qu’il aurait eu s’il avait été adulte ; aussi, il arrête cet apprentissage. A cette époque, Aurélienne Debris était une dame veuve, d’un âge déjà assez avancé, qui pratiquait le rempaillage à Longpré les Corps Saints...

Il arrive parfois que le hasard fasse bien les choses. Un jour Louis Dupont, le père de Daniel, croise le chemin de Charles Debris, le fils d’Aurélienne, demeurant avec son épouse à L’Etoile. On parle de la pluie et du bon temps... et Louis engage la conversation sur les déboires professionnels de son fils ! Charles ne manque pas de signaler que sa mère, prenant de l’âge, envisage de prendre sa retraite mais souhaite léguer son savoir et son matériel afin que son métier perdure dans le temps ! Un rendez vous est vite pris et Daniel se retrouve de nouveau en apprentissage, mais chez Aurélienne à Longpré. Doué et émerveillé par ce genre de travail, Daniel assure donc la relève tandis qu’Aurélienne viendra finir ses jours chez son fils Charles à l’Etoile.

Vers 1950 Daniel devient donc rempailleur, exerçant son travail au domicile paternel (N° 2 rue Jules Verne). Les beaux jours, on le voit au milieu de la cour effectuant des réparations. De temps en temps il aura la visite d’Aurélienne qui viendra encore le conseiller et l’aider dans son travail.

La matière première, de la prêle, il la trouve en abondance dans les marais. Cette plante, qui peut mesurer jusqu’à 1,70 mètres ou même 2 mètres de haut, pousse dans les terrains marécageux. Il faut la couper encore verte et la laisser sécher à l’ombre – surtout pas au soleil sinon elle devient cassante. Sèche, on torsade un certain nombre de brins selon le diamètre du toron souhaité et l’on peut l’utiliser tel quel. Les autres fibres utilisées par le rempailleur sont le seigle, le rotin et la canne (jonc).

La paille de seigle blanchie peut s'utiliser pour enrober un toron, en dernière couche. Elle peut aussi s’utiliser seule pour le rempaillage. Le seigle se coupe également vert et nécessite un temps de séchage. On le fait blanchir dans un tonneau en bois dans lequel on dispose alternativement un lit de sable très fin mélangé à du souffre et une couche de paille de seigle. Quand on estime que c'est suffisamment efficace, on refait deux lits, et ainsi de suite.

L’outillage de Daniel est en bois, rudimentaire et de fabrication maison ; il n'a de nom que celui qu'on veut bien lui donner ! L’outil le plus utilisé est celui qui sert à appliquer correctement un nouveau toron contre le précédent. Daniel travaille assis. Pour rempailler une chaise il se sert d’un « plot » qu’il place devant lui. Le plot est un bloc de béton ou de fonte dans lequel est scellé un axe vertical d’environ 60cm de haut. Sur cet axe est fixé un roulement à billes solidaire de 2 lattes de bois qui servent à enserrer deux barreaux de la chaise à rempailler (voir photo). Ainsi, la chaise est à hauteur de travail et peut tourner sans effort.

La clientèle de Daniel était naturellement composée de particuliers demeurant à L’Etoile ou dans les communes environnantes, Condé, Longpré, Bouchon ou Flixecourt, mais il lui arrivait aussi d’être contacté par des sociétés pour une grosse quantité de chaises à réparer.

Malheureusement il faut entre 3h30 et 4h pour rempailler une chaise ! Et c’est sans compter une autre heure pour préparer les matériaux, trier la prêle en lui ôtant les fibres non utilisables et commencer les torons avec des fibres de différentes longueurs afin d’incorporer les nouvelles au fur et à mesure des besoins… Au maximum Daniel ne pouvait donc entreprendre que deux chaises par jour, une activité financièrement peu rentable ! Aussi, dès 1955, alors qu’il n’a encore que 20 ans, il se voit obligé d’interrompre ce métier qu’il affectionne tout particulièrement et trouve une embauche chez Saint-Frères à Flixecourt.

En 1958, ayant effectué son service militaire en Algérie, il reprend son travail à l’usine mais pour ne pas perdre la main il effectuera encore quelques réfections et se lancera dans la fabrication d’objet en rotin comme cette magnifique boîte à pain (voir photo).

Les petits conseils de Daniel...

Si votre chaise paillée n’est pas trop usée mais seulement ternie, vous pouvez en nettoyer la paille avec un chiffon imbibé de vinaigre. Lorsqu'elle est bien sèche vous imprégnez un chiffon de blanc d’œuf cru que vous étalez à profusion sur cette paille. Vous essuyez et vous aurez le plaisir de retrouver une paille pratiquement neuve !

Si votre rotin est détendu, ce qui est fréquent pour ce matériau, il vous faut pendant une nuit étaler un linge mouillé sur ce rotin, impérativement du côté opposé à celui utilisé (dessous, pour un dessus de chaise, etc). Le lendemain vous enlevez ce linge. En séchant le rotin va se retendre et reprendre son aspect primitif. L’opération peut être renouvelée.

 

D'après une idée, un texte et des photos de J. Hérouart. Photos : Daniel DUPONT en activité, le dimanche 21 septembre 1997, dans le cadre des Journées du Patrimoine (à remarquer le plot sous la chaise) ; Rotin (fond bleu) ; Toron de prêle (fond rose) ; Dessus de chaise ; Boîte à pain.

Dernière mise à jour de cette page, le 12 octobre 2006.

 

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