L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Le recensement de 1872

Le recensement de 1872 nous révèle que, cette fois, c'est la bonne ! Après plusieurs échecs, le tissage industriel reprend place à L'Etoile ! Et ce sera pour près d'un siècle de prospérité. Les métiers ruraux traditionnels sont en régression ; hommes, femmes et enfants sont maintenant de plus en plus nombreux à rechercher les emplois proposés par les débuts de l'industrialisation textile. Les Moulins-Bleus reprennent vie. On arrive de partout, seul ou avec toute sa famille, pour trouver du travail à L'Etoile !

Composition

Le dénombrement de 1872 (cahier de 31 cm x 46 cm) a pour caractéristique d'être le premier à indiquer les lieux de naissance. Les autres données sont habituelles. Toutefois six colonnes précisent pour chaque individu s’il est Garçon (ou Fille), Homme marié (ou Femme mariée), Veuf (ou Veuve). La première page donne les consignes qui étaient à respecter, l'avant-dernière page porte des récapitulatifs par page des relevés, et la dernière page du recensement mentionne les récapitulatifs généraux : 1092 habitants, répartis en 562 individus du sexe masculin (261 garçons, 254 hommes mariés et 47 veufs) et 530 du sexe féminin (223, 249, 58).

Signalons quelques erreurs évidentes, ce qui donne alors une répartition pour ces 1092 habitants de 563 du sexe masculin (262 garçons, 255 hommes mariés et 46 veufs) et de 529 du sexe féminin (221 filles, 249 femmes mariées et 59 veuves).

La dernière page porte également le récapitulatif du nombre des maisons, des ménages et des individus, pour chacune des rues de L'Etoile. Mentionnons seulement la sombre dénomination Rue Noire, au lieu et place de la Rue St-Martin (triste souvenir des ravages d'une récente épidémie de peste noire ?), et le spectaculaire développement des Moulins-Bleus avec 54 « maisons », 56 ménages et 228 individus !

Mais là aussi, la lecture détaillée des pages centrales révèle quelques surprises, comme celle des deux maisons 289 (en bas de page) et 290 (en haut de page suivante) qui ne feraient pas habiter dans la même maison les parents Crimet et leurs enfants, les séparant aussi en deux familles 298 et 299 ! Cette mésaventure concerne aussi la famille Carpentier (maisons 108 et 109, familles 110 et 111) ! A l'opposé, on note que le ménage 237 comporte deux chefs de ménage, Roussel et Patry ; et que par contre il n'en est compté qu'un seul pour les deux institutrices de la Rue des Juifs (mais ce sont des religieuses, les sours Benoît et Sophie)... ! Le record est attribué à la « maison 291 », située aux Moulins-Bleus : un seul ménage (n° 300) formé de 14 individus, hommes, femmes, enfants, des français et un belge... Le fichier n'a pas corrigé ces mours dissolus ! D'ailleurs le maire approuve ! Le dénombrement est signé, Magnier, le 12 mai 1872.

Métiers

Commençons par les enfants : on n'est pas longtemps écolier à cette époque, mais ils sont déjà un tiers (6 sur 18), âgés de seulement 13 ans, à être au travail (tisseur, trameur, charpentier, fileuse) ! La proportion est la même à 14 ans (10 sur 27), et elle dépasse les 50% (12 sur 20) à 15 ans. A partir de 17 ans, un métier est presque toujours mentionné, sauf pour quelques filles, mais on peut supposer qu'alors elles participent activement aux tâches familiales.

Les femmes mariées natives du pays n'ont presque jamais de profession indiquée ; elles sont donc attachées aux occupations du foyer. Les filles sont le plus souvent fileuses. Les métiers des hommes, pour ceux natifs du lieu, sont encore bien souvent de tradition rurale. Ils sont, par exemple, cultivateur (24), manouvrier ou ménager (31), tourbier, y compris le maire (9), berger ou vacher (3). Une exception concerne Jules FRICOT, 20 ans, natif de L'Etoile, qui est « marchand de nouveautés ». Toutefois un autre groupe très important, parmi ces stelliens de souche, est à nouveau formé des tisseurs (86), avec à leur tête Timoléon DUCROTOY comme directeur de fabrique. Ces emplois déplacent également bien des gens, hommes et femmes, venant des villages voisins, ou de bien plus loin ! Toutes origines confondues, le tissage devient l'activité principale : on compte 157 tisseurs (y compris deux femmes). Les nouveaux recensés arrivent le plus souvent du département de la Somme, mais aussi du Pas de Calais, de Paris ou même de Belgique (Charles DEHANCE) ! Une vingtaine d'entre eux logent aux « Moulins-Bleus » tandis que les autres sont dispersés dans tout le village. Sans surprise, cette répartition de l'habitat se retrouve aussi pour toutes les autres activités textiles (fileuses, trameurs, etc.). Rue Noire, la famille Chivot, s'est installée au complet, le couple et leurs six enfants, et tous sont nés à Fontaine-sur-Somme, sauf le petit Victor qui n'a pas encore deux ans et qui a vu le jour à L'Etoile. Le père est peigneur, et deux des enfants travaillent (fileuse et tisseur). Rue du Pont, la famille Touzet a élu domicile ; père, mère et les cinq enfants sont tous nés à Beauval. Quant aux adultes esseulés qui n'ont pas de logement (21), ils peuvent toujours être pensionnaires en trouvant facilement un hébergement chez l'habitant. Les Stelliens sont bien accueillants, et eux-mêmes arrondissent ainsi leurs fins de mois. Les pensionnaires sont âgés de 25 à 72 ans ; deux arrivent de Paris. Cette accroissement de population permet aussi le développement, ou l'apparition, de divers métiers, comme ceux du bâtiment, de l'habillement, des soins et de l'alimentation : maçon (4), charpentier (11), cordonnier (7), médecin (1), épicier (5), sans oublier les cafetiers, cabaretière ou gargotière (5) !

Courbes d'âge

Le plus vieux recensé ne dépasse toujours pas l'âge de 89 ans et l'âge moyen stagne à 31,8 ans (écart type 21,6 ans !). Dans le détail on relève une assez grande diversité, avec 24,1 ans seulement de moyenne d'âge aux Moulins-Bleus (et 17,4 ans d'écart type), contre 34 ans hors Moulins-Bleus (écart type 22,1 ans).

Les Moulins-Bleus et L'Etoile

Le recensement de 1851 avait mis en évidence l’échec de toutes les entreprises situées sur le site des Moulins-Bleus. Mais l’activité se redresse, en plusieurs étapes. D'abord, c’est M. Vulfran Bruhier qui, par ses achats de 1853 et 1855, regroupe en une seule main la totalité du site des Moulins-Bleus. Même s’il décède malheureusement peu après, l'avenir appartient désormais aux Moulins-Bleus. Par l'adjudication de décembre 1856, l'usine passe à la famille Blanchet et connaît enfin une période d'exploitation durable et de croissance. Paul François Blanchet, fabricant de toiles et seul gérant responsable, constitue alors, soutenu par divers associés, la Société des Moulins-Bleus. On lui doit aussi la construction de la cité ouvrière des Croupes. En 1872 il revend l'affaire, mais à son fils Octave, Conseiller général de la Somme et futur maire de L'Etoile [ADS, Transcriptions].

Parallèlement, on sait, par l'observation des registres des propriétés bâties, que dès 1867 Saint-Frères avait achété un terrain rue d'Amiens à L'Etoile, aménagé en "fabrique à métiers" avec sa "lampisterie". Et les publications de Turgan confirment que la société avait implanté à L'Etoile un tissage semi-mécanique, où se faisaient de petites toiles spéciales à la main. Ces bâtiments étaient situés face à la Rue-aux-Sacs (et à l’ancienne auberge du Colvert). On voit aujourd’hui encore les traces de la jonction de la toiture en accordéon avec le mur de soutènement de la falaise. L'entreprise avait Timoléon Ducrotoy pour directeur et A. Calmon pour sous-directeur. Ce site sera supprimé et démoli au moment de la modernisation de l'usine de Pont-Remy.

On compte maintenant 248 personnes habitant aux Moulins-Bleus (contre 30 en 1836 et 4 en 1852) ! Si l’on manque un peu de précisions sur cet habitat, on a vu qu’il est du moins certain qu'en 1872 existait déjà la cité ouvrière de 36 maisons, au lieu dit Les Croupes.

D’après le recensement, qui malheureusement ne précise pas qui sont les employeurs, ni ne distingue le tissage semi-mécanique de la fabrique Ducrotoy des activités des Moulins-Bleus, on relève trois responsables d'entreprise ; Timoléon DUCROTOY, 46 ans, ancien « Propriétaire-cultivateur-boulanger » né à L'Etoile (décédé en janvier 1886), directeur de fabrique ; Paul BLANCHET, 69 ans, né dans l’Eure (décédé en 1875), manufacturier, et enfin Octave BLANCHET, 33 ans, né à Paris, fils du précédent, Conseiller général et manufacturier.

On compte à L’Etoile un total 11 contremaîtres (âgés de 33 à 82 ans, tous locaux sauf Alexandre DEUCHARD, Ecossais âgé de 82 ans) et de 5 employés (sans précision).

Les autres emplois et effectifs du textile sont : tisseur (157 dont deux femmes), fileuse (38), peigneur (25), trameur (6, dont deux femmes), dévideuse (5), ajusteur (4), bobineuse (3), tailleur (3), ouvrière de fabrique (2), plieur [de toile] (2), chauffeur [de machines à vapeur] (2), démonteuse (1), graisseur (1), caissier (1), concierge (1), garde de nuit (1), soit un total d’un peu plus de 260 personnes. Mais, du moins pour partie, il faut certainement rattacher aux emplois du textile les métiers de blanchisseuse (3), couseuse de sac (1), couturière (4), chiffonnier, et même des nombreux charpentiers, charrons et maréchals.

Provenances géographiques

Ce recensement est le premier à comporter une colonne « Lieu de naissance ». Il devait donc nous permettre de distinguer les natifs de L'Etoile de ceux qui y sont arrivés à la recherche d'un emploi. Malheureusement, la comparaison des mentions et du fichier des naissances de L'Etoile montre que plus d'une soixantaine de personnes marquées comme nées à L'Etoile ont une mention erronée (souvent « Idem ») ! La prudence s'impose donc sur les lieux de naissance ! De même, on ne compte que 8 étrangers (et non 9, à moins de considérer comme étant Belge Rosine DELASSUS (n° 410), épouse MAZI, « française d'origine, mariée à un Belge ».) Quatre recensés sont Belges (DEHANCE et la famille MAZI, dont deux enfants nés à Condé-Folie) et quatre sont Ecossais (BRUNSFILD, DEUCHARD et FISCHER).

Après vérifications et corrections des mentions concernant les 1092 recensés de 1872, il ressort que 649 individus (59 %) sont identifiés avec certitude comme nés à L'Etoile, 375 autres (34 %) comme étant natifs d'autres villages de la Somme, 37 (soit 3 %) nés dans un autre département (souvent le Pas-de-Calais, mais aussi des départements éloignés comme l'Eure, la Marne ou le Haut-Rhin, sans oublier L'Aisne, le Nord et Paris), et 6 nés à l'étranger (2 Belges dont l'un de Courtray, et 4 Ecossais, de Dundee et de Perth). Il reste une vingtaine de personnes dites par erreur nées à L'Etoile dont l'origine reste à déterminer.

Les villages et pays identifiés sont : (02 ?) Villers-sur-Aisne ; (02) Vervins ; (27) Chaignes ; (27) St-Rémy ; (51) Sézanne ; (59) Tourcoing ; (59) Valenciennes ; (62) Avesnes-le-Comte ; (62) Beaurainville ; (62) Beauvoir-Wavans ; (62) Boulogne-sur-Mer ; (62) Condette ; (62) Coullemont ; (62) Linzeux ; (62) Noyelles-sur-Authie ; (62) St-Omer ; (68) Ungersheim ; (75) Paris ; (76) Longueville-sur-Scie ; (80) Abbeville ; (80) Ailly-HC ; (80) Amiens ; (80) Arry ; (80) Autheux ; (80) Authie ; (80) Beauval ; (80) Belloy-sur-Somme ; (80) Bernâtre ; (80) Bernaville ; (80) Berneuil ; (80) Berteaucourt-les-Dames ; (80) Bettencourt-Riviere ; (80) Bettencourt-St-Ouen ; (80) Bouchon ; (80) Bouillancourt ... ; (80) Bouquemaison ; (80) Bourdon ; (80) Bresle (Con Corbie) ; (80) Brucamps ; (80) Candas ; (80) Caumartin?? ; (80) Chaussée-Tirancourt (La) ; (80) Cocquerel/Longuet ; (80) Condé-Folie ; (80) Croquoison ? (Somme) ; (80) Domart ... ; (80) Domart-en-Ponthieu ; (80) Domléger ; (80) Domqueur ; (80) Doullens ; (80) Epagne-Epagnette ; (80) Ergnies ; (80) Fay ; (80) Fay-Frettecuisse ... ; (80) Fienvillers ; (80) Flesselles ; (80) Flixecourt ; (80) Fontaine ... ; (80) Fontaine-sur-Somme ; (80) Forest-l'Abbaye ; (80) Forest-Montiers ; (80) Franqueville ; (80) Fransu ; (80) Gamaches ; (80) Gorenflos ; (80) Gueschart ; (80) Hallencourt ; (80) Halloy ... ; (80) Halloy-lès-Pernois ; (80) Hangest ... ; (80) Hangest-sur-Somme ; (80) Hornoy ; (80) Liercourt ; (80) Long ; (80) Longpré-CS ; (80) Maison-Ponthieu ; (80) Maurepas ; (80) Meillard (Le) ; (80) Mesnil-Domqueur ; (80) Montauban [-de-Picardie] ; (80) Montigny-les-Jongleurs ; (80) Mouflers ; (80) Moyenneville ; (80) Moyenneville ou Villers-sous-Mareuil ; (80) Naours ; (80) Neuilly-le-Dien ; (80) Nibas ; (80) Occoches ; (80) Picquigny ; (80) Pont-Remy ; (80) Proyart ; (80) Riencourt ; (80) Sailly-le-Sec ; (80) Saleux ; (80) Sorel ; (80) St-Ouen ; (80) St-Sauveur ; (80) Surcamps ; (80) Vauchelles-les-Domart ; (80) Vauchelles-les-Quesnoy ; (80) Vergies ; (80) Vignacourt ; (80) Villers-sous-Ailly ; (80) Ville-St-Ouen ; (80) Ville-St-Ouen ; (80) Warloy-Baillon ; (91?) Corbeil ; (Belgique) ; (Belgique, Courtray) ; (Ecosse, Dundee) ; (Ecosse, Perth).[Dernière mise à jour de cette page, 9 juillet 2005.]

 
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