L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Le recensement de 1921

La Première Guerre Mondiale n’ayant pas permis d’effectuer le recensement de 1916, celui de 1921 fait donc suite à l’année 1911. Si le village fut épargné par la guerre et qu’en conséquence aucune habitation ne fut détruite, par contre les pertes humaines furent importantes avec 72 victimes parmi les habitants, presque tous conscrits « tué à l’ennemi », même si 59 noms seulement sont inscrits au Monument aux Morts...

Pour préparer le recensement de 1921, il avait été distribué dans chaque maison des fiches familiales et individuelles à compléter. Ces imprimés mentionnent que : « Il doit être établi un bulletin pour chaque personne qui a passé dans la maison la nuit du 5 au 6 mars 1921, même pour les enfants en bas âge », et l’on est satisfait de cette recherche de précision. Par contre une autre directive y est plus surprenante : « La femme mariée inscrira le nom de son mari et non pas son nom de jeune fille » ! A L'Etoile, cette dernière consigne fut malheureusement suivie à la lettre, et même les veuves n’y sont inscrites que sous leur nom marital, et seulement celui là ! Pour retrouver les noms de jeune fille (colonne des noms standardisés) il a donc été nécessaire de consulter les recensements précédents, ou suivants, ainsi que les décès du XXe siècle. La plupart des noms patronymiques des femmes ont ainsi été retrouvés (mais une vingtaine reste énigmatique !)

           

La date de signature de ce recensement par le maire, Roger Roucoux, est le 31 mars 1921, soit trois semaines après le jour de référence. Malgré ce délai de rédaction le recensement présente encore un bon nombre d’erreurs, en particulier dans la numérotation : ainsi le numéro individuel 233 manque, mais les n° 28, 387 et 1311 sont doubles ; quatre numéros de maison et de famille sont sautés (285 à 288), et la mention crayonnée de ce manque sur le cahier n’y change rien. La maison n° 148 est doublée. Rue St-Martin, de nombreuses familles n’ont pas de numéro de maison...

Après vérification, la population totale est donc de 1529 individus (et non 1527, puisque l’on compte une personne en moins Rue de Domart, pour une de plus pour chaque rue du Presbytère, au Sac et aux Moulins-Bleus). Par rapport au recensement de 1911 (1676 individus, dont 612 aux Moulins-Bleus), le recul de l’effectif est donc environ 150 personnes, et cette diminution est la même pour les travailleurs chez Saint-Frères. Les morts de guerre compte directement et à eux seuls pour moitié dans cette baisse d’effectif. A l'opposé, on est surpris de dénombrer une augmentation de plus de 130 habitants aux Moulins-Bleus ! Il n’y a toutefois pas de contradiction puisque plus de la moitié de ces habitants des Moulins-Bleus (375 sur 743) sont des enfants ou des adultes qui ne travaillent pas à l’usine ! C'est donc seulement la répartition de l’habitat à L'Etoile qui est ainsi profondément modifié.

Provenances géographiques

Dans ce cahier, les lieux de naissance sont indiqués, avec son lot traditionnel d’erreurs. Néanmoins, pour 600 personnes (39 %) la naissance au village de L'Etoile est attestée. Au moins 606 autres personnes sont nées ailleurs, mais toujours dans la Somme. Venant de bien plus loin, on compte environ 38 individus nés en Belgique et 2 au Luxembourg. On totalise donc plus de 300 personnes nées en France en dehors du département de la Somme (ou non identifiés), venus vivre et travailler à L'Etoile. Ceux-là arrivent de Nantes ou de Guingamp, de Paris (19 personnes) ou de l’Allier, du Cantal ou de bien d’autres départements. Les départements les plus représentés ne sont pas toujours les plus proches ; il n’est en effet pas rare qu’un individu arrivé seul fasse venir ensuite tous ses proches ! On relève ces transferts ponctuels pour le Finistère (18 personnes dont 12 nées à Plomodiern), le Nord (43 personnes, dont 32 d’Armentières) et surtout le Pas-de-Calais (100 personnes, essentiellement Boulogne-sur-Mer et ses environs). Les trente-huit Belges sont natifs des environs d’Ypres. En 1911, Télesphore AVISSE était le seul originaire de Ploegsteert (Belgique) présent à L'Etoile ; en 1921, ils sont 24 natifs de ce village !

Cité neuve et château

Bien qu'elle ne soit pas mentionnée, il est très vraisemblable que la future Cité neuve n° 1 (Anthime Gigaut) est alors déjà construite (Voir la Rue des Moulins-Bleus, maisons 414 à 427). On retrouvera en effet ses occupants presque regroupés de même dans les recensements de 1926 et 1936. Le château, qui n'est toujours pas mentionné explicitement, mais il héberge au moins 68 personnes en 29 logements (N° 227 et 228 de la Rue St-Martin), et peut-être même 79 personnes en 32 appartements (jusqu'au n° 231).

Saint-Frères et les Moulins-Bleus

En dehors des travailleurs indépendants, il n’y a guère de variante concernant le patron ! Saint-Frères est en effet cité 575 fois comme patron (226 femmes et 349 hommes) tandis que l’on ne relève mention que 19 fois pour une autre entreprise, d'ailleurs plutôt un artisan patron ! Encore faut-il décompter dans ce second groupe trois personnes qui travaillent pour la Coopérative Saint-Frères et ajouter au premier groupe deux contremaîtres et deux comptables sans mention de patron ! Malgré cette prédominance Saint-Frères écrasante, on y observe une sérieuse baisse du nombre de travailleurs, en seulement 10 ans. Plus de 150 personnes manquent (575 noms au lieu de 728), principalement des hommes (349 au lieu de 493), dont plus d’une cinquantaine par fait de guerre, alors que le nombre de femmes varie peu (226 au lieu de 231).

Chez Saint-Frères, les qualifications portées sont, par ordre alphabétique : Ajusteur (1) ; Bambrocheuse (1) ; Blanchisseuse (1) ; Bobineuse (1) ; Caneteuse (1) ; Charretier (1) ; Chauffeur (2) ; Chef de fabrique (1) ; Chef de filature (1) ; Comptable (1) ; Concierge (1) ; Contremaître (2+2) ; Cordonnier (1) ; Directeur d’usine (1) ; Electricien (1) ; Employé (6 de bureau, 6 d’usine et 4 sans précision) ; Etirageuse (1) ; Fileur (1) ; Fileuse (35) ; Forgeron (1) ; Garde particulier (2) ; Gérant de culture (1) ; Journalier (1) ; Journalière (1) ; Manouvrier (6) ; Mécanicien (21) ; Menuisier (2) ; Mouilleur (1) ; Ourdisseuse (4) ; Ouvrier d’usine (208) ; Ouvrière d'usine (164) ; Pareur (1) ; Peseur (1) ; Régleur (2) ; Surveillant (3) ; Terrassier (2) ; Tisserand (2) ; Tisseur (57) ; Tisseuse (14) ; Tourneur en bois (1) ; Tourneur sur métaux (1) ; Trameur (3) ; Trameuse (3) ; Veilleur de nuit (1).

La dernière maison recensée aux Moulins-Bleus est celle du même Directeur d’usine qu'en 1911, Henri FOURQUER, 56 ans, né à Paris, maison qu'il occupe avec sa femme (Léonie DUCROTOY, 46 ans, née à L'Etoile) et leur fille (Paulette, 18 ans, aussi née à L'Etoile). La maison précédente est occupée par le couple Urbain DOBREMER, le comptable âgé de 61 ans, né dans le Pas-de-Calais, et son épouse (Rosa MACHY). Le chef de fabrication, Paul Ducrotoy, 40 ans, né à L'Etoile, habite avec sa petite famille aux Moulins-Bleus, à proximité des surveillants et de tisseurs. Par contre Michel RACINE, chef de filature, 37 ans, né à Brucamps, demeure à l’écart avec sa femme et son fils, rue Gaillarde.

Une mention particulière concerne, Maurice SEGUIN (26 ans, né à Paris), gérant de culture de Saint-Frères, à Moreaucourt. Il s’agit naturellement de la ferme de l’Habit, une exploitation qui semble privée.

Autres métiers, célébrités

Les patrons autres que la société Saint-Frères ne sont pas nombreux : Chemin de fer, Pont-et-Chaussées, La Ruche (alimentation), Bulot et deux autres, en tout une douzaine de personnes. Dans les indépendants, on retrouve naturellement les cultivateurs (15) et des représentants d’une multitude de corps de métiers ou de fonctions : aubergiste, brigadier en retraite, bûcheron, cantonnier, charretier, charcutier, etc. Plus surprenantes ou relatives à des activités nouvelles en ce village, sont les mentions d’un artiste prestidigitateur (Paul HUTTEAU, du célèbre cirque Great Polmann), d’un « automobiliste », de deux coiffeurs, d’un colporteur de journaux, d’un conducteur de train, d’un courtier en chevaux, d’un docteur en médecine, d’un facteur receveur des postes et d’une factrice, et d’une modiste. Signalons aussi la présence de deux femmes comptables (dont l’une au moins à la coopérative). On compte désormais 7 instituteurs (2 hommes et 5 femmes), dont maintenant deux institutrices rue d'Amiens et deux rue du Presbytère

Future célébrité, signalons la présence de Max LEJEUNE, écolier âgé de 12 ans, fils des instituteur et institutrice des Moulins-Bleus. Max Lejeune sera député, onze fois ministre, président du Conseil général de la Somme, sénateur et maire d'Abbeville.

Arrondir les fins de mois se conjugue aussi avec accueil : on compte 14 enfants de l’Assistance publique de la Somme (âgés de 2 à 19 ans), 3 nourrissons (2 et 3 ans) et 20 pensionnaires (de 1 à 103 ans !)

Données démographiques

Le calcul de l'âge moyen de la population n'atteint pas 33 ans (32,62). La doyenne est Célina DEBRAY, 87 ans.

Dernière mise à jour de cette page, le 25 septembre 2007.

 

 
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