L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Inhumations dans l'église de L'Etoile

Les inhumations dans l'église ne sont connues que par trois sources, les volontés testamentaires (seigneurs du village), les registres d'inhumations et le rapport des fouilles de l'AFAN en l'an 2000.

Les seigneurs inhumés

Au moins quatre seigneurs, des familles Leblond et Briet, et deux épouses devraient avoir été inhumés dans l'église de L'Etoile. C'est une certitude pour Antoine V LEBLOND (décédé le 11 février 1675, célibataire), seigneur de L'Etoile pour lequel, après les cérémonies faites à Amiens, son corps "a esté mis dans un carosse pour estre conduit et inhumé dans l'église de la baronnie de L'Estoille, suivant son ordonnance testamentaire, avec les seigneurs et dames ses pere et mere, et aieuls..." [5 Mi D 1051/2 (Amiens, Saint-Firmin-le-Confesseur, 12 février 1675)].

Ses père et mère, Antoine IV LEBLOND (décédé peu après 1660) et Madeleine De HEU (décédée fin janvier 1660, probablement à Amiens, paroisse Saint-Jean) ont donc été aussi inhumés tous les deux dans l'église de L'Etoile. Pour l'épouse c'était d'ailleurs une volonté testamentaire, précisant même l'endroit " voulant son corps, l'âme en séparée, estre inhumé dans l'église dud. Lestoille, hors du chœur et vis à vis du crucifix " [B 93, f° 164 v° (17 janvier 1660)]. Bien qu'encore assez jeune, âgé de 35 ans, mais craignant peut-être déjà les exactions espagnoles, Antoine IV avait aussi exprimé cette volonté par testament "desirant le testateur, son ame separée du corps, estre inhumé avec proche le deffunct sieur de Lestoille son pere" [3 E 30720, p. 69-70 (MDenis, 27 mai 1635)]. Il n'est pas textuellement précisé qu'il s'agit d'une inhumation à L'Etoile, ni non plus dans l'église, mais ce fait semble attesté par les deux mentions précédentes de son épouse et de son fils.

Le testament d'Antoine IV nous informe aussi, de manière presque irréfutable, que son défunt père, Antoine III LEBLOND (décédé fin novembre 1624), était déjà inhumé dans l'église. C'est d'ailleurs Gallice Parmerot, curé de Lestoille, qui avait reçu le testament d'Antoine III, le 14 novembre 1624 [B 83, f° 85].

Ainsi, on ne peut douter que quatre membres de la famille Leblond, sur trois générations, aient été inhumés dans l'église de L'Etoile, et très probablement tous vis à vis le crucifix. Cette constatation de l'inhumation dans l'église d'Antoine III en 1624 n'est pas sans conséquence sur la datation de l'église qui, après avoir été donnée du XIIe siècle, puis du début du XVIIIe siècle après les fouilles de l'AFAN, aurait donc existé, ou aurait déjà été reconstruite au même lieu (éventuellement à quelques mètres près), au début du XVIIe siècle !

Les fouilles de l'AFAN n'incluaient malheureusement pas la datation du moindre ossement ! Les os sont aujourd'hui mélangés et il n'est évidemment plus possible les dater sélectivement, encore moins de retrouver des liens de parenté par des analyses ADN... Mais d'après les indications fournies par les archives (ci-dessus) je pense qu'il est très vraisemblable que les squelettes des seigneurs Leblond se trouvent parmi ceux de cette photographie (inhumations 1025 à 1028, 1030 et 1114). Ces corps qui tous (sauf un) regardent vers l'abside, sont les seuls qui semblent approximativement organisés en une famille et ils sont les premiers placés après le chœur, tout de suite à gauche après la petite porte d'entrée de l'église. Tous ces corps furent inhumés dans des cercueils. Celui de droite est une femme (en rose), les trois de gauche des hommes (en bleu) et les deux autres de sexe indéterminé. Le squelette de la femme se trouve exactement dans l'axe central de l'église, donc sous le crucifix (dans la position qu'il occupait avant d'être déplacé sur le mur sud), ce serait donc celui de Madeleine De Heu ! Il a été analysé que le deuxième squelette (celui dans l'appareillage en pierres) semblait tenir un objet périssable dans sa main droite... Dans la fosse du quatrième (à partir de la gauche), il a été trouvé une monnaie de Louis XIII gravée à Amiens vers 1614-1615. (G.L.)

Charles I de Briet (beau-frère d'Antoine V Leblond, décédé en 1694) est inhumé le 7 juillet 1694 dans le chœur de l'église de L'Etoile [Registre paroissial, 2 E 296/1, f° 13 v°]. Son emplacement n'a pu être déterminé sur les plans (voir les trop nombreux emplacements de couleur bleue sur le plan ci-dessus).

Marie-Madeleine Dincourt, épouse de Pierre I LANGLOIS de Septenville, seigneur de L'Etoile, est décédée le 26 juillet 1762 à L'Etoile et fut inhumée le lendemain dans l'église [E suppl., d'après f° 638 (le registre original est perdu)]. Son corps fut certainement le le dernier à être inhumée dans l'église puisque par déclaration du 16 mars 1777 devenaient interdites les inhumations dans les églises, sauf pour les archevêques, évêques, curés, patrons des églises, hauts justiciers et fondateurs de chapelles.

Notables inhumés dans l'église

Il n'y a évidemment pas que des seigneurs qui furent inhumés dans l'église. Des curés, des marguilliers, ainsi que des fermiers du prieuré de Moreaucourt eurent aussi ce privilège. A signaler que deux nouvelles inhumations eurent pour référence le crucifix, mais était-ce le même et avait-il toujours été placé au même endroit ?

En parcourant les registres paroissiaux de L'Etoile, on relève :

Le dossier de l'AFAN

Après l'incendie de l'église, et le projet de reconstruction au même emplacement, l'AFAN réalisa durant sept semaines des fouilles dans l'enceinte des murs de l'église (juillet-septembre 2000). Elles ont permis de distinguer six tombes perturbées par la fondation de l'abside. Le décompte des inhumations, rien que pour l'abside, est de 53 sépultures in situ (dont 12 enfants) auquel s'ajoute, d'après les ossements, au moins 30 adultes et 74 enfants. Pour l'église entière, plus de 200 individus ont été observés, dont 82 en place et 66 ayant été l'objet d'une fouille fine [Rapport AFAN, par Jean-Louis Bernard, pages 13, 25].

Plusieurs remarques me semblent toutefois devoir être apportées. La première est que l'absence quasi totale de côte de profondeur pour les inhumations ne facilite guère les interprétations ! La deuxième est qu'aucun ossement n'a été daté, pas même l'un de ceux se trouvant sous le mur de l'abside. La fouille n'a pas concerné toute la zone intérieure de l'église puisque en furent exclus les abords du Groupe en pierre ainsi qu'une grande partie de la zone sud-ouest de la nef. Mais d'autre part il n'est pas certain que les nombreux ossements observés doivent être considérés comme étant systématiquement ceux de personnes inhumées dans l'église. Celle-ci a subit aux moins deux agrandissements, dont au moins est mal discerné. Six tombes traversent les murs de l'abside. Il n'est pas question de les rattacher à des inhumations dans l'église ; elles ne concernent qu'une ancienne nécropole (qui semble justifier l'agrandissement d'une église rectangulaire par une abside en demi-cercle). La partie ouest de la nef (murs gris clairs sur le plan ci-dessus) daterait de 1750 (c'est mon avis, le XIXe siècle proposé, en référence à l'allongement du chœur, ne me paraissant pas possible). L'interdiction d'inhumer dans les églises date de 1777. Là encore, au mieux, les inhumations n'y sont donc certainement pas toutes postérieures à la construction des murs ! Même la zone intermédiaire, curieusement trapézoïdale (gris moyen) pourrait mélanger des inhumations réellement dans l'église (celles des seigneurs) et d'autres antérieures à la construction... (G.L.)

S'il est regrettable, on l'a dit, qu'aucun ossement n'ait été daté. Signalons toutefois, qu'une fois le chantier achevé et emportés quelques os pour expertises pathologiques, tous les corps ont été inhumé pour la seconde fois début juin 2008 dans une fosse creusée dans l'église [Courrier Picard du 7 juin 2008]. Le souhait des défunts a été respecté, ils se trouvent toujours dans l’église.

 

Remerciements : AFAN, CD (Images terrain, EtoileEglise3.tif et Plans, etoileplangénéraltombes.tif)

Dernière mise à jour de cette page, le 9 juin 2008.

 

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