L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
Après l'incendie ravageur de 1991 il fut très facile de mesurer les dimensions intérieures de l'église, de mur à mur : 8,70 m de large pour une longueur (sans le clocher, déjà écroulé) de 26,50 m de long (dont 19 m pour la nef). L'abside présente la forme d'un demi-cercle écrasé (seulement 7,50 m de profondeur). L’arche centrale de l’abside est profonde de 40 cm. Le porche laisse une ouverture béante de 3,30 m de large. Les murs ont environ 80 à 90 cm d'épaisseur.
Les fouilles de l'AFAN ont privilégié les inhumations. L'étude des murs est pourtant bien passionnante aussi, en particulier pour essayer de comprendre comment les divers agrandissements de l'église furent opérés. La réponse n'est pas simple !
Mur nord. On remarque de manière évidente la rupture du mur à la fin de l'abside (à droite de la première photo), caractérisé par le début inachevé (ou sectionné ?) d'une fausse arche partant du dernier pilastre de l'abside ! (détail à droite). Au sol, rejoignant ce pilastre, on remarque le début de fondations au rôle indéterminé (support de cloison provisoire, socle d'un chancel, ou plus vraisemblablement ancienne extrémité d'une église sans encore d'abside arrondie) qui cloisonnait l'église à la jonction entre les abside et nef actuelles. Sur la gauche on remarque que les deux baies n'ont ni la même forme (voir les arrondis des voûtes) ni ne sont au même niveau ! A gauche encore (non visible sur ce cliché, mais ci-dessous), on trouverait une baie encore plus différente, de style gothique, laquelle enchâssait le vitrail le plus ancien ! Sur le mur on distingue les traces de fixations et de maintien de la chaire démontée et de son escalier d'accès oblique.
Mur sud. Comme au nord, le dernier pilastre de l'abside (de ce côté, à gauche de la photo) supportait à droite une arche qui fut elle aussi à peine commencée (peu visible sur ce cliché). De gauche à droite sur le tronçon suivant du mur on distingue la petite porte condamnée (celle sud-est), le second vitrail puis les ferrures qui supportèrent récemment le grand crucifix. Juste à droite de ces fers plats on devine une nouvelle rupture dans le mur (beaucoup plus visible à l'extérieur), signe de constructions décalées. Dans le dernier tronçon se trouve la troisième baie (de forme très différente), laquelle surmonte l'emplacement laissé vide par l'épitaphe de l'abbé Groulle (désolidarisé du mur) et la porte d'accès habituelle. Au premier plan à gauche se trouve l'avant-chœur (emplacement de la brouette et du trépied) et, à droite, au début de la nef, les premières tombes de la nef (que je présume être celles des seigneurs Leblond). Au fond on remarque les fondations sous le mur de l'abside, lesquelles se prolongent un peu vers la nef tandis que d'autres fondations perpendiculaires furent découvertes, fermant en partie le demi-cercle de l'abside.
A gauche du pilier de ce mur sud (photo de gauche) on voit très bien la rupture avec la dernière phase de construction de ce mur sud. Cette rupture se situe au tiers de la nef, non loin de la petite porte sud-est. Pour le mur opposé, celui du nord (photo de droite, prise de l'intérieur de l'église), d'après l'AFAN, la rupture est bien plus éloignée du chœur, aux deux tiers de la nef ; elle est très peu visible, ni d'un côté ni de l'autre. La dernière baie, très différente des autres, est la seule qui soit de forme ogivale. Son vitrail, dont un médaillon représentait l'abbaye de Fontevraut (abbaye mère du prieuré de Moreaucourt), semblait le plus ancien de tous les vitraux de cette église.
Deuxième photo, on devine encore facilement la forme de l'auvent couvert d'essiles (tavaillons de chêne) qui abritait la petite porte d'entrée sud-ouest. Il figurait sur les dessin de Duthoit vers 1836 (voir Clocher). Mais en 1863 il semblait avoir déjà disparu puisque Goze mentionne "de l'autre côté [mur sud] était un auvent en bois, couvert d'essiles, abritant la porte latérale, en formant un avant-porche" [BMA, Pic. 21692, f° 297/8.] Visiblement aussi, se trouvait précédemment à la pose de l'auvent une petite niche (ou baie) de forme romane dont les pierres de remplissages furent rainurées à l'emplacement du toit. Cette forme ne se remarque pas du côté intérieur de l'église et incite donc à opter pour une niche ayant abrité une stauette (de St-Jacques ?) au-dessus de la porte d'accès avant que la pose du toit ne justifie son obstruction. Photo de droite, une niche ou baie semblable pourrait peut-être se deviner du côté intérieur du mur nord. Ou bien était-ce le haut d'un pilier ensuite absorbé par le mur et ayant supporté un dôme dont l'arrondi semble s'observer en haut à gauche de la baie du vitrail N° 5 ? Sur cette même photo, à la verticale du bâton posé au sol (à droite), devine-t-on une rupture entre deux tronçons du mur ? Si oui, elle serait au même niveau que celle du mur sud.
Photo de gauche, le cadran solaire est encore bien visible. On peut aussi le situer sur la photo suivante, en haut à gauche, où on en devine quelques rayons (ceux en haut à droite) en prenant comme repères la ferrure et le trou noir.
L’existence d'anneaux de fer dans les murs primitifs de l'église, anneaux ayant servi aux Romains pour y attacher leurs bateaux, est encore relatée aujourd'hui ! Mais il faut combattre en partie cette version, ainsi que Mongez l'avait reconnu dès 1810 : "Il paroît que lors de la première démolition de ce quai [près du château, sur l'ancien lit de la Somme], on se servit de quelques pierres encore garnies d'anneaux scellés, pour réparer ou construire l'église de l'Etoile qu'on a élevée sur une des falaises du camp, à plus de 33 mètres au dessus du niveau actuel de la rivière. Ce qui a fait dire aux uns et croire aux autres qu'à des époques trop rapprochées de notre âge, on amarroit les embarcations aux anneaux de cette église [...]" [Mongez, dans Mag. Enc., t. 2 de 1811, p. 86/7, d'après une lettre de Traullé, de déc. 1810].
On ne trouve naturellement plus aucune trace de ces anneaux (rongés, ou bien situés dans les parties basses des mur qui furent restaurées avec des briques), et l'on n'en avait déjà plus que le souvenir en 1948. Georges Mallet relatait alors " j'ai entendu dire par de très vielles gens de la région qu'elles avaient connu la trace de grands anneaux de fer qui auraient servi aux Romains pour attacher leurs bateaux. J'avoue n'y avoir jamais rien remarqué de tel. " [Mallet, Un fleuve..., p. 44].
1807. Deux ans après un premier devis produit par la municipalité, le 1er messidor an XVIII [20 juin 1805], un second devis concernant tout à la fois les réparations à effectuer à l'église, au presbytère et au mur du cimetière, voit les frais augmenter de 50 % pour atteindre pour un total chiffré de 3 392 francs ! Les principales réparations citées pour l'église, outre les 3 planchers du clocher (et des barreaux pour les 3 échelles), les 8 vitraux (dont 3 seront modestement vitrés de losanges en verre demi-blanc) et la toiture (8 000 ardoises neuves et 26 000 clous), concernent principalement les assises de six piliers (dont l'un est supprimé au nord, et ses matériaux réemployés pour consolider les autres piliers) [Voir le détail : SAP, Ms 133, pièces 1 à 5 (pièce 2 pour les piliers)].
Avant 1863 : On ne change rien ! C'est ce qui ressort des notes publiées par Goze à cette époque : "Cette église est humide et malsaine, par l'accumulation des terres du cimetière, du côté du nord, à la hauteur de près de 2 mètres ; elle n'est pas assez grande pour la population, et il est nécessaire de la remplacer par une plus convenable. Les habitants tiennent à la conserver dans l'emplacement avantageux qu'elle occupe" !
Crédits photographiques : AFAN, CD (Images terrain, EtoileArchitecture2.jpg ; idem 4, 6 et 10 ; Etoile Architecture Fondation1060-2.jpg) ; G. Lancel (cadran solaire et auvent, 26/10/03) ; J. Hérouart.
Dernière mise à jour de cette page, le 10 décembre 2007.