L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
Symbole de la foi chrétienne s'élevant vers le ciel, le clocher n'en est pas moins une partie de bâtiment qu'il faut construire, et qui peut s'effondrer si il n'est pas posé sur des bases solides. Celui de L'Etoile s'est écroulé pour avoir été construit sur une craie minée de souterrains...
Même après les fouilles effectuées en 2000 dans l'église de L'Etoile, suite à sa destruction totale lors de l'incendie de 1991, le passé de l'édifice reste presque aussi obscur... Une seule certitude : l'édifice n'a rien d'une structure du XIIe siècle ; il semble dater du XVIIIe siècle pour ses murs les plus anciens, et il n'a été retrouvé aucune trace évidente d'un précédent édifice au même lieu. Evidemment les fouilles au sol n'ont pas non plus apporté d'éléments irréfutables concernant un ancien clocher (avec cloche) ou une flèche (sans cloche ?), comme toute église en est habituellement dotée. Toutefois on a retrouvé dans la partie ouest de la nef un emplacement où fut coulée une cloche et, à proximité (coin intérieur nord-ouest des ruines de l'église), une aire délimitée caractérisée par un sol comportant de nombreuses lentilles de "terre à godasses" (Alt. - 92) et deux fragments de sarcophage en pierre dont, en dépit du marchage intensif, on reconnaît encore sur l'une des pierres la forme de la croix latine qui ornait le sommet du couvercle. La fonction de ce bâtiment appareillé est inconnue, n'étant pas totalement exclu qu'il puisse s'agir d'un ancien sanctuaire [AFAN, p. 15-16 (et photos)].
Je serais personnellement tenté de voir dans cette petite pièce "à la terre aux godasses" l'emplacement où le marguillier venait faire sonner la cloche, probablement secondé par des enfants de chœur, à leur plus grande joie ! Tirant sur la grosse corde, comme dans les films burlesques, cette corde finissait par soulever le sonneur du sol puis le laissait retomber, de nombreuses fois. Ainsi à chaque saut la terre de leurs godasses boueuses se déposait ça et là et finissait par constituer un sol épais et très compact. Si cette vision était la bonne, alors ce serait dire aussi que jadis la cloche ne se trouvait pas dans un clocher se situant en bout de la nef actuelle, on va y revenir... (G.L.)
Les deux dessins reproduits ci-dessus n'ont que six années d'écart, et pourtant les églises ne se ressemblent pas du tout ! Commençons par celui de droite. Datant de 1720, il montre une église conforme à la tradition, avec un clocher et son coq en girouette en prolongement d'une nef. Ce dessin figure sur un plan des parcelles et tenanciers du Fief du Chapitre de la cathédrale d'Amiens, fief se trouvant à L'Etoile. Mais le chapitre avait de nombreuses possessions dans l'amiénois et la représentation d'une église sur leurs documents était certainement bien plus symbolique que descriptive [G 2241/1]. Un copie actualisée de se document sera d'ailleurs réalisée vers 1770, mais avec si peu de soucis pour l'exactitude que la date de 1720 sera recopiée avec le dessin de l'église sans même être actualisée ! [G 2241/2]. On pourra donc estimer que le dessin n'est pas réaliste. Bien que peu probable, un aménagement réalisé la même année que l'arrivée du curé Noël Groulle, en 1720, avec un clocher en bout de nef, n'est toutefois pas à exclure totalement.
Le dessin de gauche est bien plus intéressant, même s'il est légèrement dégradé (Esglise de l'E[sto]ille) et coupé, étant en bordure d'un précieux document d'arpentage limitrophe avec L'Etoile. Il s'agit du plan papier des dîmes de Condé-Folie et des limites avec L'Etoile, plan dessiné par un arpenteur professionnel les 18, 19 et 20 juillet 1714 [G 2225]. Il ne fait guère de doute que le dessin se veut réaliste. L'église est visiblement représentée sur une butte (le promontoire dominant le village) derrière la riviere, comme dans la réalité, avec un chemin d'accès abrupt faisant face au porche, côté ouest. Seul l'accès par l'ouest peut surprendre, mais ce chemin très abrupt existe pourtant encore aujourd’hui ! Si le dessin est réaliste pour ces premières données, il faut alors accepter cette surprise qui concerne un petit clocher, ou une flèche, se trouvant derrière l'édifice, eu milieu du côté nord ! On remarquera la sobriété de cette église, et sa proximité du coteau ouest, qui semble plus courte qu'aujourd'hui. L'abside ne semble encore exister sous sa forme semi-circulaire, mais la perspective pourrait en cacher la forme. Il est toutefois bien plus vraisemblable de penser que cette abside ne fut réalisée qu'entre 1720 et 1724, comme le suggère l'épitaphe de Noël Groulle...
Ce clocher central était-il à l'emplacement de la pièce de terre à godasses retrouvée lors des fouilles de l'an 2000 ? Si oui, toute l'implantation de l'ancienne église serait à repenser...
Noël Groulle, curé de L'Etoile durant seulement quatre années, de 1720 à 1724, est décédé de la suette le 12 juin 1724. Sa précieuse épitaphe mentionne "Le chœur fut rebatie, et [les] bans(?) arran[gés]". En cette fin du premier quart du XVIIIe siècle le chœur fut donc certainement prolongé du côté est par une abside arrondie, tandis que les bancs, probablement ceux du seigneur et du curé qui seuls se trouvaient dans le chœur, furent évidemment réparés et redisposés avec plus d'espace. Du clocher ou de la flèche, pas de mention. S'il y en avait une derrière la partie centrale de la nef, cette construction ne la concernait pas.
Plus tard, en 1733, une flèche en bois fut construite. Mais fut-elle implantée en remplacement d'un précédent clocher (les anciens dessins sembleraient l'affirmer), usagé ? Ecroulé ? Brûlé ? Ou en tant que création ? On ne sait pas. Le fait que Goze, dans sa publication de septembre 1863, mentionne cette inscription relevée "comme le témoignent les encorbellements des angles à l'intérieur [du clocher, de la terrasse ou de la nouvelle flèche en pierre ?], et cette inscription sur l'une des ouïes : En mil sept cent trente-trois, On a fait cette flèche de bois" en fait pourtant une presque certitude. On est toutefois surpris par la longueur du texte gravé dans la pierre, et si la date n'était pas écrite en lettre mais en chiffres, alors une erreur de lecture serait évidemment envisageable. Par ailleurs les réutilisations d'anciennes pierres étant habituelles, un autre petit doute peu aussi en résulter. En tous cas, flèche, et non clocher, la cloche était donc ailleurs, probablement pas en hauteur...
Un réaménagement important de l'église survient ensuite en 1750, posant à nouveau la question de l'existence et, si oui, de l'emplacement du (nouveau ?) clocher. En date du 17 mars 1750, un procès verbal de visite de l'église de L'Etoile en vue de l’allongement du chœur de 22 pieds (7,26 m) est rédigé, mais il nous laisse perplexe [4 G 2227/1]. Il semble bien que ce soit d’abord le recul de la limite du chœur (dans la nef) et un financement sans sollicitation des gros décimateurs qui aient été les seules préoccupations des curé, seigneur et habitants... En tous cas, les travaux seront bien exécutés, moyennant 2 300 livres, avec pour maître d’œuvre Jacques Quiet [Guiet ?], maçon à Fontaine-sur-Somme [2C 1195, f° 93 v°]. On peut vérifier que la longueur interne actuelle de l'église, environ 26 mètres (hors clocher), est bien égale, en prenant un pied de 33 cm et 12 pouces par pied, aux dimensions d'avant travaux, trente six pieds quatre pouces de longueur de nef [11,99 m] et vingt un pieds de longueur de chœur [6,93 m], soit 18,92 mètres d'ancienne longueur, plus les 22 pieds d'allongement prévu [7,26 m], soit un total de 26,18 mètres !
Un important décalage observé lors des fouilles de l'an 2000 entre les ruptures de construction dans les murs nord et sud pourrait laisser penser qu'un clocher situé derrière le mur nord aurait alors été conservé, en attendant qu'un nouveau projet et des crédits permettent d'en reconstruire un tout neuf dans le prolongement de la nef. Seules des fouilles extérieures à la nef (du côté nord) permettraient d'en savoir davantage... (G.L.)
La visite préparatoire aux travaux de 1750 ne fait aucune mention de flèche ou de clocher... Un nouveau clocher a néanmoins certainement été construit, peu après, dans le prolongement de la nef puisque un peu plus de cinquante ans plus tard, en août 1807, non seulement l'église avait un clocher, vraisemblablement en bout de nef, mais il existait depuis suffisamment longtemps pour nécessiter de refaire les planchers de ses trois niveaux, de changer dix barreaux de ses trois échelles et de changer la porte :
Art. 11. Deux planchers du clocher à refaire à neuf, en planches de bois blanc de vingt-sept millimètres d’épaisseur sur dix-huit mètres carrés [donc 9 m² par niveau] , et dont il sera fourni pour le premier des desdits deux planchers deux soliveaux de chesne et deux mètres soixante centimètres de longueur chacun, et de treize centimètres d’équarrissage, le tout estimé devoir coûter, compris cloux, mains d’œuvres, etc., cy 59 [francs].
Art. 12. Le troisième plancher dudit clocher à réparer avec les meilleurs planches provenant de la démolitions des deux premiers, estimé devoir coûter, compris cloux et mains d’œuvres, cy 8 [francs] ;
Art. 13. Une petite porte neuve pour le clocher, d’un mètres de hauteur et soixante centimètres de largeur, faite avec des planches en chêne de trois centimètres d’épaisseur, estimé devoir coûter, compris pose et fournitures de gonds, jointures et crochets, etc., cy 12 [francs] ;
Art. 16. Dix échellons de cormier de cinquante centimètres de longueur et trois centimètres de diamètres, pour réparer les trois échelles du clocher, estimé devoir coûter, compris mains d’œuvres, cy 4 [francs] ;
Par ailleurs ce clocher semble bien en bout de nef, puisqu'il est mentionné dans l'article 21 : Il sera fourni dix mètres de longueur de plomb au sable de quarante centimètres de larjeur sur deux millimètres d’épaisseur pour couvrir le fête de l'église, côté clocher, estimé devoir coûter, compris préparation et pose, cy 160 [francs] ; [Source : SAP, Ms 133, 2e pièce]. De la même source (Pièce 5), on relève aussi : "La face du clocher regardant le cœur".
Après 1807, où l'article 21 d'un devis (ci-dessus) semble bien signifier que le clocher se trouvait en bout de toiture, et donc de la nef, c'est vers 1836 que l'on trouve la preuve irréfutable de l'existence du clocher placé en prolongement de la nef, celui en pierre qui s'écroula en 1985. Faute d'archives mentionnant sa construction, on en déduira que c'est celui dont les planchers avaient été restaurés vers 1807, construit à une date inconnue qui semble postérieure à l'achèvement de la nef.
La preuve graphique en est donnée par les merveilleux et précieux dessins attribués à Louis Duthoit. Si l'on n'en connaît pas la date exacte, il est néanmoins présumé que les croquis de L'Etoile datent de son voyage de 1836 où, parti en barque d'Amiens, il était descendu au Moulin-Bleu [En Voyage avec..., par Aimé et Louis Duthoit, réédition CRDP d'Amiens, 1979, p. 5 et planches 156/157].
Vraisemblablement le même jour, l'artiste dressa aussi un plan de l'église sur lequel, outre le clocher, on pourra remarquer le trait positionnant l'emplacement de la marche qui séparait le vaste nouveau chœur et la partie réservée à la nef, observer aussi l'emplacement des fonts baptismaux, et, à l'extérieur de l'édifice, la présence de l'auvent couvert d'essiles (tavaillons de chêne) qui abritait la petite porte d'entrée latérale.
Le clocher est évidemment très souvent représenté par la suite. Citons, vers 1848, dans de la Notice Historique sur les villages, églises et châteaux disséminés sur le parcours du chemin de fer d'Amiens à Abbeville, par M. A. Goze, avec carte de M. Duthoit [BMA, M 2051] (Voir à La Somme canalisée) et naturellement sur la magnifique aquarelle de O. Macqueron peinte d'après nature, le 22 avril 1865. Les cartes postales prennent ensuite le relais pour témoigner des structures architecturales (voir par exemple la CP 126) tandis que, parallèlement, de nombreux photographes et peintres amateurs amoureux de leur village immortalisent le clocher sur leurs premières toiles et clichés.
En pierre, pour solide qu'il paraisse, l'espace du clocher devra être régulièrement entretenu. En 1843, on relève une vente de tourbages pour la réparation de la tour du clocher [99 O 1618/Chemise 4/Mobilier] ; en 1863, on signale une reconstruction du porche [99 O 1618/Chemise 4/Eglise], en 1874 les travaux concernent la galerie du clocher, pour un montant de 154,60 francs [99 O 1619/chemise 4 (première)], et en 1928, grande restauration (couverture neuve en ardoises d’Angers), le clocher est remis à neuf par Richard Dulin, entrepreneur de couverture et de zinguerie à Flixecourt, pour 4 045,17 francs [99 O 1619/chemise 4 (première)].
En dehors d'une couverture neuve du clocher (voir ci-dessus), l'année 1928 est surtout marquée par un effondrement de terrain près du clocher, à l'angle sud-ouest des murs de l'église. Disparaissent ainsi un monument funéraire et une partie du mur de clôture de l'église (voir la CP 41 ). Deux ans plus tard une nouvelle fissure se produit en bordure de la même zone. Les autorités mettent en cause un probable effondrement du plafond d'une galerie souterraine et demandent dans l'urgence d'interdire la sonnerie des cloches et de barricader l'endroit. Les stelliens, par un texte dactylographié ironique et signé J.C. [Jesus-Christ ?], réagissent en exprimant que ces directives ne sont qu'un prétexte pour faire disparaître l'ombre surannée du clocher...
Ci-dessus on trouvera les croquis (montrant à gauche le grand arc x y de la fissure et le mur emporté, et à droite une coupe avec le puits du Camp-César et en bas l'entrée des galeries) et un extrait du rapport de M. Baer, contrôleur départemental, à M. le préfet (3 février 1931).
"...L'église est bâtie à mi-hauteur d'une colline de craie dont le sommet est occupé par un camp romain et dont le pied est formé d'une paroi verticale.
La colline est minée par des galeries ; deux entrées existent, au-dessous de l'église, dans la partie verticale du bas de la colline. En l'état actuel des lieux, il est impossible de rendre compte de l'importance et de la direction des galeries. Celles-ci paraissent être de 2 sortes, les unes naturelles et les autres creusées par mains d'homme.
Il y a deux ans, un monument funéraire, situé en A du croquis joint au rapport, a disparu dans une excavation, entraînant avec lui un mur de clôture, situé à une distance moyenne de 4,50 m de l'église.
Depuis deux jours, une fissure s'est produite (en x y) dans la zone comprise entre le mur disparu et l'église.
Des lézardes existent dans les murs du clocher et le pignon attenant, le contrefort (delta) est décollé, mais ces lézardes, de date ancienne, n'ont pas été causées par le mouvement actuel. Aucune lézarde n'existe sur le contrefort (alpha) ni sur le perron (c).
La disparition du monument funéraire
paraît avoir été causée par l'effondrement du plafond d'une galerie. La fissure qui vient de se produire dans le sol peut être causée, soit par un tassement des terres dans la partie effondrée il y a deux ans, soit par un nouvel affaissement d'un plafond de galerie.
Pour l'église, le danger ne semble pas immédiat mais, en attendant que soient faites les recherches souterraines, il y a lieu d'éviter des ébranlements que pourraient produire la sonnerie des cloches, et d'interdire l'accès de la partie fissurée du terrain..."
Le dénommé J. C. n'y croit pas, avec ironie et humour il adresse lui aussi sa manière de voir les choses au préfet, dans un texte dactylographié (tampon de réception du 31 mars 1931)
"Petite cause-Grands effets. En 1928, une descente de gouttière de l'église de l'Etoile rejetant d'abondantes pluies pluviales sur un sol miné d'anciennes tombes avait déterminé un affaissement de terrain correspondant à ces tombes. Sans autre forme de procès, la municipalité avait fait recombler la crevasse et il n'en avait plus été question - à juste titre. Malheureusement la descente de gouttière n'ayant été ni supprimée ni déplacée, il advint sous l'effet des pluies diluviennes de l'hiver 1930-31, sous l'effet aussi du foisonnement du terrain remué, qu'une étroite fissure (de 3 à 4 centimètres en sa partie la plus large) est apparue à nouveau, au même endroit, vers la mi-février 1931.
Alors que la belle crevasse de 1828 avait laissé nos édiles froids et placides, la microscopique fente de 1931 les mit en grand émoi : expertises, contre-expertises, mensurations, rapports pessimistes, arrêté condamnant les cloches au silence, arrêté interdisant l'accès à l'église, solide cadenas posé sur la porte principale d'entrée, ordre de faire des fouilles pour suivre la fissure dans ses moindres replis internes. Tout un tralala à grand orchestre !
[...] Le mois de mars a été employé à creuser de larges et profondes excavations mettant à nu les fondations mêmes du clocher, à fin disent-ils d'explorer les points faibles de ses infrastructures.
Voyez le beau travail si la pluie, tombant à nouveau, emplit d'eau tous ces puits artificiels. Voyez le beau travail dont le plus honteux résultat est d'opérer de véritables violations de sépultures en un remuement macabre de nombreux crânes et ossements humains bouleversés à coup de pioche.
Pourquoi ? En vérité, pour rien. [...] Ainsi du moins en juge le citoyen moyen et sans parti pris qui raisonne avec le bon bout de la raison, comme disait l'autre.
Mais après tout, y a-t-il anguille sous roche (c'est le cas de le dire), autre chose que des raisons de bon sens ? On dit (que ne dit-on pas), on dit que certains esprits extra-lucides ont assez vu l'ombre portée de ce clocher, témoin suranné de longs siècles de superstitions, et que les temps sont révolus pour le jeter bas ; on dit aussi qu'un des experts fournit lui-même la main d'œuvre et donne, à des maçons qualifiés et payés comme tels, un travail de terrassier pour les défendre du chômage hivernal.
En attendant, les contribuables de l'Etoile, les "cochons de payants" seront grattés encore un peu plus ras, hélas ! pour fournir des subsides à une œuvre de vandalisme et d'exhibition macabre". J. C.
[99 O 1619/chemise 4 (première)].
Malheureusement le rapport de 1931 n'était encore que trop prudent et quelques décennies plus tard l'irrémédiable allait se produire. Vers 1960 des fissures apparaissent dans le clocher et le conseil municipal décide de faire descendre les cloches. Précaution insuffisante, on connaît la suite...
Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1985, le clocher s'écroule. Au matin il n'est plus qu'un tas de blocs de calcaire ; les autres pierres s'étaient éboulées alentour sur les pentes boisées... La fin, pensait-on ? Non, le pire était à venir, mais on ne le savait pas encore...
Photo de gauche : on voit bien l'orgue ainsi que l'échelle et la porte située dans le mur en haut de l'échelle. A cette époque pour accéder à l'orgue, ou à l'estrade, il fallait passer derrière, monter par l'escalier se trouvant au rez-de-chaussée du clocher jusqu'au plancher intermédiaire, passer par la porte et descendre par l'échelle ; il n'y avait pas d'autre accès ! Sur l'estrade, à gauche, on distingue plusieurs statuettes, et au centre on voit derrière l'orgue les débuts de l'arrondi de la voûte du portail ouest. Au fond de la nef, sur un agrandissement, on peut voir le haut d'une grosse cloche, une table à 5 pieds derrière un montant et le haut des fonts baptismaux. Photo du milieu, on observe ce qui restait des portes en bois presque neuves qui fermaient le portail. A gauche les fils électriques sont peu protégés... A droite, on retrouve la cloche et la table. Photo de droite, on voit bien la porte (le rectangle sombre) qui donnait accès au clocher et à l'estrade ! [J. Hérouart].
Le clocher, de section approximativement carrée, comportait au rez-de-chaussée deux portes d'accès, l'une par l'extérieur et l'autre par la nef. Sur son mur sud s'appuyaient l'escalier (au coin sud-est, il donnait accès au plancher intermédiaire et aux cloches), et deux énormes armoires dans laquelles se trouvaient divers objets du culte, certains très anciens et inutilisés. Ces armoires, on le devine sur la photo centrale ci-dessus, furent écrasées par l'énorme quantité des pierres des murs du clocher éboulé. Très peu des objets précieux qu'elles contenaient semblent avoir été sauvegardés (voir Bâtons de chantre, etc.)
J. Hérouart signale qu'une longue polémique avait résulté de l'écroulement du clocher, concernant la simultanéité ou pas de sa construction et de celle de la nef. La belle forme finie du portail sud laisse pourtant penser que celui-ci était initialement fermé par de grandes portes en bois, et donc sans clocher, du moins à cet endroit. Le peu d'emboîtement entre les pierres des deux ensembles, église et clocher, plaide lui aussi nettement en faveur d'une date de construction du clocher postérieure à celle de l'achèvement de la nef...
Clocher(s), flèche(s) et ancienne(s) église(s) gardent en partie leurs mystères. Quel dommage que les fouilles n'aient pas été élargies jusque devant le porche ouest et surtout au delà du mur nord de l'ancienne dernière église...
Sur la face sud du clocher, sous l'ouïe des cloches, il y avait une horloge qu'un employé de la commune remontait encore régulièrement jusqu'à il y a environ 50 ans avant l'écroulement du clocher.
Cette photographie est la dernière de la partie terminale de la flèche du clocher. Dans les gravats, bloqué dans sa chute par les arbustes de la colline côté ouest, on peut encore admirer son socle charpenté en étoile et l'un de ses pans en lattes de bois qui servaient de support aux ardoises. Mais de coq au sommet, il n'y en avait plus !
Le coq du clocher de L'Etoile, se tenant évidemment tout en haut du clocher, il était logique qu'il n'ait pas été enfoui tout au fond des décombres lorsque ce clocher s'écroula en 1985. Certains stelliens, comme J. Hérouart, se souviennent que l'on ne l'avait pourtant pas retrouvé, jusqu'à ce que, deux ou trois jours plus tard, un habitant de la rue du Général Leclerc, demeurant tout en bas du promontoire où se trouvait le clocher, à sa grande surprise, découvre le volatile pratiquement intact dans sa cour ! Probablement, sentant le clocher se fissurer, s'était-il envolé pour se poser un peu plus bas... Presque intact, il n'avait que la queue un peu tordue, c’était un miracle ! Monsieur Minard, maire du village, pris cette fois lui-même l'initiative de sauvegarder ce symbole de la foi à L'Etoile et déposa ce coq dans un local d’archives de la mairie, sous la table, dans cette salle où le personnel allait prendre son café tous les matins. Jusqu’au jour où, sans pousser un cri, il s'est à nouveau envolé... Ecoutez bien, si vous entendez "Cocorico", vous l'aurez peut-être retrouvé ! Essayez au moins de le photographier, c'est quand même le Coq du village !
Sans lien avec l'église, mais peut-être avec le coq, on peut signaler aussi la disparition dans ce même local de 6 vieux sabres de cérémonie de pompiers et, au Bol de lait, autre local communal, d'une antique lanterne à gaz, de celles qui éclairaient autrefois les rues du village (voir par exemple la CP 33, à droite sur la carte), mais celle-là, elle avait été offerte par le maire qui, à la même époque, débarrassait le grenier...
Crédit photo : Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (Photos et textes extraits du CD du rapport de l'AFAN, aujourd'hui INRAP) ; J. Hérouart (les quatre photos du clocher, les deux de l'intérieur de l'église et des éboulis) ; Le Journal d'Abbeville, photo AL 853002 (25 juillet 1985) ; G. Lancel (photo couleur du portail ouest, 09/03/95).
Dernière mise à jour de cette page, le 9 janvier 2008.