L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Les bombardements de 1940 et 1944

Durant les combats de mai/juin 1940, la commune et les habitants de L’Etoile n’auront pas trop à souffrir des batailles, contrairement aux communes voisines, Hangest, Condé-Folie et Longpré, qui seront partiellement détruites et où l’on dénombrera des centaines de décès.

Les bombardements de 1940

Durant les hostilités de juin 1940, l’usine des Moulins Bleus subira de nombreux dégâts notamment au niveau des toitures. En janvier 1941, sur requête de la S.A. Saint-Frères, un huissier du tribunal civil d’Amiens viendra relever ces dégâts occasionnés par faits de guerre : 28 obus sont tombés sur l’usine. Deux sur le magasin aux huiles, cinq sur la carderie, cinq à proximité de la filature, deux sur le tissage etc., provoquant la casse de 2900 vitres de toiture, des tuiles, des carreaux de terre cuite, des chêneaux, des poutrelles de toutes sortes, des colonnes de soutènement de charpente, etc. Le nombre impressionnant de vitres de toiture cassées provient du fait que l'usine avait un toit en forme d'accordéon, chaque double pli correspondant à un shed, le côté exposé au nord étant d'ailleurs plus pentu que celui orienté au sud, et que cette toiture était entièrement constituée de vitres fixes (de 1 mètre sur 40 cm, pour celles exposées au nord) et de vasistas toutes les 22 vitres environ. Ces vitres apportaient évidemment la lumière dans les ateliers.

De nombreux autres obus sont tombés dans la cour et dans les abords immédiats de l’usine mais sans faire trop d'autres dégâts.

Les victimes du bombardement du 20 mars 1944 (Patry)

Après plus de trois années de calme relatif, les bombardements reprennent à L'Etoile en 1944. Le 20 mars, une bombe tombe au 115 de la cité des Moulins Bleus, en plein milieu. On déplorera 2 victimes : Marie Léraillé, épouse Patry née en 1883, et son fils Donatien Patry né en 1920.

Donatien avait un frère jumeau, Raymond Patry, qui lui aussi périra victime de la barbarie nazie, le dimanche 3 septembre 1944. Raymond était gendarme à la brigade de Crécy en Ponthieu. Alors que les allemands se repliaient, Raymond, son chef, trois de leurs collègues, le garagiste et le facteur firent plus de 30 prisonniers. Mais au retour à leur poste ils furent accueillis par une mitrailleuse et 150 allemands qui les encerclèrent tandis que des femmes et des enfants furent envoyés à la cave. Dans une lutte inégale, quelques-uns eurent la vie sauve, en partie par l'abnégation de ceux qui se sacrifièrent en se rendant à l'ennemi. Six héros furent exécutés, dont le chef sous les yeux de son fils, d'une balle dans la tête et une dans le cœur [Picardie nouvelle, semaine du 3 au 9 septembre 1944].

Le bombardement du 13 août 1944

Le dimanche 13 août 1944 à 19 h 30, on attend la libération avec impatience, mais aussi avec inquiétude. Le débarquement a eu lieu mais les troupes alliées n’en finissent pas d’arriver pour déloger l’ennemi. Soudain des bombardiers anglais survolent L’Etoile, à plusieurs reprises, mais pour disparaître... La tête en l’air, rassurés, les nombreux Stelliens se disent « ce n’était pas pour nous... ». Mais bientôt un ronronnement de plus en plus fort se fait entendre et, débouchant en piqué en provenance du Camp de César, les avions reviennent à la file indienne pour bombarder l’usine des Moulins Bleus. Alors, ce ne sont pas moins de 43 bombes qui sont lâchées sur les différents bâtiments, ainsi que sur les habitations voisines et dans les environs, causant d’importants dégâts. De nombreuses personnes habitant à proximité de l’usine s’enfuient à toutes jambes. Les plus éloignées assistent au déluge de bombes dont certaines tombent dans les marécages sans exploser – et s’y trouvent encore... On n'a jamais connu les causes exactes de ce bombardement, sinon que les anglais pensaient, à tort, que l’usine servait de dépôt de bombes ou d’engins de guerre aux allemands.

Le raid achevé, le bilan des dégâts est énorme : l’atelier de préparation est à reconstruire et une grande partie du matériel est à remplacer. La filature est méconnaissable, 15 métiers à filer sont broyés.



Usine des Moulins-Bleus, la charpente de l'atelier filature est broyée...



L'un des 15 métiers à filer totalement détruits !

Tous les magasins sont atteints. Les bureaux sont gravement endommagés, sans toiture. Les deux maisons internes à l’usine sont rasées, ainsi que celle du passeur implantée de l’autre côté de la Somme. Tous les bâtiments le long du chemin de halage ont souffert et sont à raser entièrement [Voir les anciens bâtiments sur les cartes postales, CP 56 et CP 105 (avant la guerre) et CP 229 (après les bombardements)].

 
Avant et après les bombardements...

Les habitations du voisinage et leurs occupants ne sont pas épargnés. Oscar Brebion, 76 ans, habitant l’une des deux dernières maisons du bas de la cité des Moulins-Bleus succombera suite à l’impact d’une bombe ayant dévasté ces deux maisons. On dénombre également quatre personnes très gravement blessées : Monsieur Allet, Madame Mathilde Trouillet, Monsieur Normand, veilleur de nuit, et son épouse. La coopérative La Prévoyance a également légèrement souffert mais les proches bâtiments scolaires ont par chance été épargnés.

Quelques bombes, ou plus probablement des obus isolés, tant anglais qu’allemands, furent encore tirés ou lâchés ça et là dans la commune mais en occasionnant uniquement des dégâts matériels. Les derniers obus furent reçus dans la nuit du 30 au 31 août par le haut de la rue des Moulins Bleus et au cours de la journée du premier septembre au centre de la commune.

Les abris et les souterrains

En réaction aux bombardements, ceux de L'Etoile et mais aussi et surtout ceux qui ravagèrent plusieurs villages de la Somme, des Stelliens creuseront çà et là dans la commune des abris afin de se préserver de la mort venue du ciel. Derrière la cité Rosère (aujourd’hui Place de la musique) quelques personnes du secteur déboucheront l’accès du souterrain obstrué ainsi que la cave de l’ancienne ferme Ducrotoy, qui était située au fond de la place du carrefour.


   Réouverture du souterrain derrière l'ancienne Cité Rosère (actuelle Place de la Musique).

1) ... Billet (?) ; 4) Marcel Mantion ; 6) Eugénie Brassart-Mantion ; 9) Albert Phalempin ; 11) Henri Cailly ; 14) Charles Debruiker.
 

D’autres personnes, de la Cité des Prés, iront creuser dans le talus sous le terrain de football !

Aux Moulins Bleus, dans le deuxième groupe de la cité, entre les numéros 167 et 143, toutes les caves seront reliées entre-elles. Elles furent aménagées de telles sortes qu’on pouvait y demeurer toute la journée, voire toute la nuit. Un tunnel d’accès fut creusé et ainsi il fut possible d’aller d’un bout à l’autre de ce bloc d'habitations, avec possibilité de s’en échapper en cas de bombardement...

 

D'après une idée, un texte, des photographies et une carte postale (CP 105) de Jacky Hérouart. Remerciements à mesdames Thérèse Debruyker et Yvette Sévaux, messieurs Rémy Decaix, Pierre Chevalier, Michel Desmarest, Eugène Dumetz, Marcel Bonnard et Gabriel Hérouart.

Dernière mise à jour de cette page, le 22 décembre 2007.

 

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