L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
Quelques stelliens qui disposaient de ressources suffisantes pour vivre à l'écart des zones de combats prévisibles, ou du moins pour se soustraire du joug de l’occupant dont l’arrivée était imminente, évacuèrent L’Etoile avant le 20 mai, laissant dans l’urgence leur maison sans garantie sur l’avenir...
C’est le cas des deux cousines Lancel qui habitaient rue d’Amiens, non loin du carrefour. Louisa Lancel, veuve Bodereau et sans enfant, habitait le « Chalet Lancel » dont elle avait hérité, une habitation qui existe encore avec son aspect caractéristique (111 rue du 8 Mai). Hélène Lancel, ancienne gérante de la Ruche Picarde à L'Etoile, habitait une maison presque voisine, plus près du carrefour. Veuve Parent depuis 1900, elle avait eu deux filles, Hélène et Paule (Paulette). Dans la famille, on se souvient bien de l’évacuation : « Début mai 1940, Paule, alors directrice de l'Ecole Normale d'Albi (81), n'hésita pas à venir seule, en voiture, sous les bombardements, chercher sa mère, à L'Etoile. Mais elle laissa la cousine Louisa Bodereau, à qui elle reprochait son avarice, se débrouiller seule. Plus tard, la vieille Hélène refusa encore la cohabitation avec Louisa qui était pourtant descendue jusqu'à Agen ! » [Paule Parent]. Louisa quitta le chalet quelques jours plus tard, juste avant l'arrivée des allemands, pour loger dans un couvent, puis dans un hôtel du Lot et Garonne, dans les environs d'Agen. La maison fut bien vite pillée, alors que les allemands n’étaient pas là ; le beau linge plié dans les armoires et l’argenterie ne furent pas perdus pour tout le monde... On dit que les allemands, la Kommandantur, occupèrent le chalet vide dès le premier soir (20 mai) et y restèrent durant toute l’occupation allemande (Voir L'arrivée des allemands). Le pigeonnier et les bâtiments agricole de cette ancienne ferme furent démolis par les occupants, et les briques utilisées pour leurs besoins défensifs (on évoque la construction de routes et de rampes pour les missiles V 1).
Hélène mourut à Albi en 1943. Louisa n’est jamais revenue à L'Etoile, sauf pour y être inhumée en 1952. Plus aucun Lancel de cette famille n’est alors plus jamais venu habiter en permanence à L’Etoile. Après guerre, concernant les dommages causés au chalet, Roger Minard, maire de L’Etoile, attesta que "Cet immeuble a été réquisitionné pendant toute la durée de l'occupation par les troupes allemandes. Celles-ci, notamment l'unité 14 885, ont démonté des dépendances et des murs de clôture, pour récupérer des matériaux devant leur servir à des travaux de défense" (11 juin 1946).
Tout près du chalet Lancel, mais rue aux Sacs, numéro 9, les époux Fiévet avaient eux aussi quitté les lieux et leur habitation avait également été occupée par la Kommandantur.
D'autres familles ou enfants évacuent plus tard. Colette Magnier est photographiée devant l'école des Moulins-Bleus en 1940/41, après sa réussite au certificat d'étude. Mais en 1942, ayant atteint l'âge de 15 ans, elle devait être scolarisée ou travailler pour les allemands. C'est donc certainement cette année là qu'elle quittera le château de L'Etoile pour se retouver dans les Basses-Pyrénées où elle effectue des travaux scolaires rédigés au Château du Blanc Vermeille (non localisé). Elle semble en compagnie d'autres élèves, dont on ne sait s'il avaient eux-aussi évacué ou s'ils étaient du pays : "Cours Moyen, noms : Marchandère G. 1, Béleman D. 5, Droubler H. 4, Dubois E. 2, Dorméne Germ. 3. Cours supérieur, noms : Gravagna Marie 2, Mariange R. 4, Norègl Marie 3 (Marie est rayée), Vilorme Gis. 5, Roumane M. 2. Les autres pages sont vierges sauf le verso de la dernière où il y a de nouveau un tableau et des noms : Marchandère G., Dubois E, Dormène Germ., Droubler H, Belmar D, Roumane MR, Vilor (rayé), Gravagras Marie, Narège M., Mariange R, Vilorme Gil" [MP 161].
Durant les deux semaines qui séparent l’entrée des allemands à L'Etoile le 20 mai 1940 du début des combats le 4 juin, de nombreux habitants quittent à leur tour L’Etoile, pensant à tort que ces forces françaises vont essayer de refouler les Panzers qui ne cessent d’affluer sur la rive nord de la Somme, côté L’Etoile.
Saint-Frères organise des transports pour ceux qui désirent évacuer. Dans un premier temps ces gens sont amenés par bus jusqu’au Mans, pour éviter Paris. Ensuite ils prennent le train. Certain s’arrêteront à Montauban (Tarn et Garonne) où un site a été prévu pour les accueillir tandis que les autres poursuivront jusque Puyoo dans les Pyrénées-Atlantiques où existe aussi une usine Saint Frères. Des personnes travailleront dans cette usine tandis que les enfants fréquenteront l’école primaire comme par exemple Micheline Bonnard, Fabien Caron, etc.
Tous ne reviendront pas. Certains finissent leurs jours au pays d’accueil, d’autres s’y marient et s’établissent sur place.
Témoignages Jacky Hérouart et Ghislain Lancel. Remerciements à mesdames Thérèse Debruyker et Yvette Sévaux, messieurs Rémy Decaix, Pierre Chevalier, Michel Desmarest; Eugène Dumetz, Marcel Bonnard, Gabriel Hérouart, ainsi qu'à la famille Lancel et à Paule Parent, aux familles Magnier et Pecquet. Photo du Chalet Lancel par Lucien Lancel.
Dernière mise à jour de cette page, le 4 février 2008.