L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
Période ancienne Période récente Divers (Auteur, liens, etc.) Accueil

La maladrerie "de L'Etoile"

On entend beaucoup de rumeurs à L'Etoile, concernant la maladrerie. Elle y aurait eu son cimetière à l'emplacement des maisons les plus récentes (aux numéros bis) du haut de la rue des Moulins-Bleus. Et puis, il y a le lieu-dit "la Maladrerie", encore mentionné sur la carte IGN couleur de 1999 ! Si ce lieu-dit, situé entre la rue du Nouveau Cimetière et la route Départementale, est irréfutable, par contre le souvenir d'une terre de la maladrerie, du plus loin que l'on puisse remonter, ne concerne qu'une parcelle de terre affermée. Les maigres revenus en appartenaient certainement à la maladrerie de Flixecourt (aussi mentionnée sur la carte IGN, à seulement un peu plus de 2 km à l'est), rattachée en 1695 à l'Hôtel-dieu de Picquigny. Mais, aucun document ne mentionne une maladrerie à L'Etoile. Si une structure d'accueil des lépreux avait existé en ce lieu, il faudrait alors en rechercher la trace bien avant 1626, d'autant plus qu'il n'est pas concevable que le lieu-dit actuel de Maladrerie soit attribué à une terre de revenu et non à la léproserie elle-même...

Historique connu de la parcelle dite de la Maladrerie

1626 : Une maladrerie est citée comme propriétaire dans le mémoire des dîmages de L'Etoile de 1626 : Item demy journel à la Maladrie [ADS, G 2222, p. 7]. Cette terre, d'une contenance d'un demi journal, assujettie au dîmage est évidemment une parcelle de culture et non un établissement hospitalier. Il est présumé qu'elle fut offerte pour ses revenus lors d'un legs testamentaire, comme on en trouvait jadis fréquemment en faveur de l'Eglise. Compte tenu des parcelles voisines, elle est facile à localiser, c'est la toute petite parcelle formant l'angle est du carrefour de l'Ecce Homo (parcelle N° 1604 des plans de 1783). Par rapport à la carte ci-dessus et à l'actuel lieu-dit Maladrerie, cette parcelle ne représentait que le tout petit triangle noir à la jonction des deux chemins ! Reste que l'établissement assujetti à la dîme est à identifier, et à localiser... C'est vraisemblablement déjà la maladrerie de Flixecourt, dont les biens seront bientôt réunis à ceux de l'Hôtel-dieu de Picquigny. On sait justement que cette parcelle lui appartiendra plus tard (voir en 1695 et 1713).

Au XVIIe siècle les exploitants de cette parcelle furent successivement PILATE (moyennant 5 livres) lequel étant devenu pauvre laissa cette terre en friche, ROZE (père de Pierre qui suivra) puis sa veuve, DELASSUS (vers 1684/5) et enfin Pierre ROZE, comme héritier de son père et tuteur des enfants mineurs de François Delassus, son beau-frère : "Le nommé Pilate a joui autrefois de la Maladrerie de Létoile, sur le pied de cent sols (payé à Cesar Varlet) et, etant devenu pauvre, il a abandonné laditte terre, laquelle a eté en friche pendant quelque tems. Après quoy le nommé Pier Roze Pierre, père de Pierre Roze d'auiourd'huy, en a joui. Après luy en a joui sa femme veuve. Après sa veuve, a joui La Suze [Delassus]. Après Lasuze jouit auiourd'huy Pierre Roze qui est obligé, comme her(itie)r de son père et tuteur des enfans de Delasuze son beau-frère, de paye[r] les redevances depuis que son père a commencé à jouir, il y a bien 28 ou 29 années" [ADS, H dépôt Picq. 52, L'Etoile (Archives hospitalières)]. Voir en 1713

1695 : En vertu d'un édit royal, daté du mois de juillet 1695, les biens et revenus des maladreries de Flixecourt et de plusieurs autres furent réunis à l'Hôtel-dieu de Picquigny. Les biens de cette maladrerie de Flixecourt, "situés en partie sur les terroirs de Flixecourt, L'Etoile et Mouflers, représentaient, à l'époque de leur union à l'hospice de Picquigny, un revenu de 2 300 livres et étaient divisés en 21 pièces louées à divers propriétaires." [Jumel, Flixecourt, p. 44-45 (1876)]. La seule parcelle connue à L'Etoile appartenait donc à la maladrerie de Flixecourt.

1713 (7 août) : une supplique de l'Hôtel-dieu de Picquigny est adressée auprès du bailliage afin de faire payer une redevance à Pierre ROZE – ce qui n'est plus depuis bien des années – avec permission de faire saisire les grains qui sont pendant par les racines. La parcelle sise à L'Etoile y est explicitement désignée : "Supplient humblement les administrateurs de l'Hotel Dieu de Picquigny, disants qu'en cette qualité il leur appartient une piece de terre nommé La Maladerie qui est un annexe de la maladerie de Flixcourt qui a esté reunie audit Hotel Dieu de Picquigny, tenant d'un costé au chemin de Lestoille qui conduit à Flixcourt, d'autre au chemin de Lestoille qui conduit au Bois de Lestoile, d'un bout à l'Ecce homo, d'autre à Antoine Sorel, laquelle piece de terre est presentement occuppé, à ce que les suppliants ont appris, par Pierre Roze [...]" [ADS, H dépôt Picq. 52, L'Etoile].

La terre est ensuite affermé à Antoine TALON de L'Etoile, moyennant 4 livres, par bail inséré dans le registre aux délibérations, le 17e dec. 1713 [ADS, H dépôt Picq. 52, L'Etoile].

La pièce de terre d'un demi journal située à L'Etoile est encore baillée le 2 mai 1723 à Antoine Talon, mais moyennant 5 livres par an. Ce bail lui est renouvelé, dans ces mêmes conditions, les 29 mars 1728, 4 juin 1738, 28 avril 1746 et 27 juin 1758 [AC de Flix., GG 18]. Curieusement Jumel cite aussi Joseph Talon [Ouvr. cité]

1720-33 : On relève que des procédures sont tenues contre les " administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Pecquigny, qui ont pris fait et cause de leur fermier, concernant 11 journaux de terres sis au terroir de Moufflers, appartenans à la maladrerie de Flixecourt, tenus en fief de notre dite abbaye à cause du fief de Létoille, commançant en 1720 et finissant en 1733. " [25 H 2, p. 318].

1788 : L'état des biens des hôpitaux mentionne pour possession à L'Etoile de Hôtel-dieu de Picquigny une pièce de 37 verges exploitée en terre à labour, d'un rapport de 6 livres, et note en observations particulières : Les habitants de l'Etoile ne jouissent d'aucun lit ny d'aucune portion de lit aud. hôpital [ADS, C 2175/129].

Révolution. Vente des Biens Nationaux. Le 6 octobre 1792, aucun des biens du clergé situés à L'Etoile n'étaient encore vendus (sauf le prieuré de Moreaucourt, adjugé dès 1791). Un inventaire nous permet de retrouver la parcelle dite de la Maladrerie et d'en estimer la modeste valeur de son revenu (art. 14) : "Ensuivent trente-sept verges et demie de terre appartenant à l’Hôtel-Dieu de Picquigny, occupé par Barthélemy Durant, point de connoissance de bail, ledit Durant en aiant joui depuis un temps immémorial, vis à vis l’Ecce-homo, tenant des deux cottés et d’un bout au chemin, d’autre bout à Claude Lancelle, à la redevance de six livres 6 l(ivres)" [ADS, L 1597/150, art. 14].

L'affiche imprimée de vente, affichée le 19 Fructidor, l'an deuxième de la République (5 septembre 1794) reprend presque les mêmes termes, en en précisant la mise à prix :

"Terres provenantes du ci-devant Hôtel-dieu de Picquigny, situées audit L’Etoile.
XIV. Trente-sept verges et demie, à la Croix : tenant des deux côtés et d'un bout au chemin, d'autre bout à Claude Lancelle, occupées, sans bail, par Barthélemi Durant, à la redevance de 6 livres, évaluées 106 liv.
" La surprise est la mention du lieu-dit La Croix, dont c’est la seule mention connue et qui n’est pas à confondre avec la Croix de jeunesse.

Une quinzaine de jours plus tard, le 9 vendémiaire an III (30 septembre 1794), eurent lieu les adjudications définitives. L'article 14 est honorablement adjugé à 1250 livres pour Jean-Pierre FLANDRE, fils, tisserand [L 1676. N° 245/14].

A la Révolution, cette maladrerie était encore la première terre agricole après la fin du village, à l'Ecce Homo. Deux siècles ont passé et tout a changé, cette parcelle est maintenant le début de la rue Jules Verne et d'une zone d'habitat qui n'a cessé de se développer avec l'essor des Moulins-Bleus.

Pièces justificatives : ADS, H dépôt Picq. 52, L'Etoile

Dernière mise à jour de cette page, le 23 juin 2006.

 
Période ancienne Période récente Divers (Auteur, liens, etc.) Accueil