L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Ecce-homo

La dénomination d'Ecce-homo était double à L'Etoile, elle désignait tout à la fois la statue – inscrite à l'Inventaire des M.H. –, et la chapelle, ou édifice, où se trouvait initialement cette sculpture en bois.

La chapelle de l'Ecce-homo

Un dessin avec cotations de la chapelle de l'Ecce-homo avait été produit par Monsieur Thorel, dans une étude sur les anciens puits publics d'Amiens, d'après une carte postale, indique-t-il ! [BSAP, tome 1909-1910 (sans numéro) [23 bis], page 67 et suivantes (dessin ci-dessus page 87), du 8 juin 1909]. Mais il n'a jamais été retrouvé de carte postale montrant cette chapelle en gros plan. On peut donc penser que l'auteur s'est inspiré d'une des cartes où on la devine au fond à gauche de la rue (CP 37, ou mieux, CP 140 ou variante), et qu'il s'est rendu sur place pour améliorer le dessin, et bien entendu aussi pour relever les très précises mesures qui sont portées sur le croquis.

Thorel suggère que les picards aient confondu contenu et contenant, l'Ecce homo et sa chapelle, et que ces chapelles étaient en réalité d'anciens puits de village. Il pense que l'on aurait alors aussi appelé "Ecce homo" les édicules, parties maçonnées visibles, des anciens puits d'Amiens, lesquelles ont effectivement l'aspect de petites chapelles. A l'appui de son hypothèse il montre les croquis de plusieurs des Ecce homo de la Somme qui ont laissé leurs noms à 25 lieux-dits du département. L'Ecce homo de L'Etoile y est représenté à ce titre.

A observer le schéma l'on est effectivement surpris par l'aspect très massif de la base de cette "chapelle". Aucune porte n'est visible dans cette base pleine, rectangulaire (ou carrée) et qui mesure 2,40 m en façade (largeur non indiquée) pour 1,60 m de hauteur ! Au-dessus, une guérite est faite de gros moellons de calcaire, le tout de dimensions légèrement inférieures à celles de la base (et pouvant donc suggérer une maçonnerie d'une époque postérieure à la base). La guérite comporte une fenêtre fermée de solides barreaux laissant voir la statue. Le petit édifice est recouvert d'un toit à quatre pentes.

Cet Ecce-homo se trouvait au centre du carrefour qui portait aussi ce nom, à l'aboutissement des anciennes Rue d'Amiens (aujourd'hui au niveau de la séparation des rues du 8 Mai et Jules Verne) et Rue Gaillarde (Rue Godquin). Cet emplacement marquait alors la limite Est de la zone habitée du village (avant les nouvelles constructions et le développement des Moulins-Bleus), dans le prolongement du mur Est de l'enceinte du château (et des jardins), du vieux Chemin des Petits Prés et de la ruelle Talon. Il se trouvait aussi à quelques mètres des anciennes portes du village dont on voyait encore la trace au milieu du XXe siècle, à l'ouest du carrefour.

La base massive de cette "chapelle" était-elle donc un ancien puits, intégré à un vieux mur d'enceinte du village ? Seule une profonde fouille archéologique à cet endroit permettraient de répondre avec certitude à cette question, avec, en cas de réponse positive, un fort espoir de datation par la numismatique et autres techniques. Notons qu'aucune procession religieuse n'est connue pour y avoir eu à cet endroit une station, alors que le pays en était fervent et que ce lieu se trouve sur le passage obligé entre l'église et la chapelle de Moreaucourt, chapelle qui elle faisait l'objet d'un pèlerinage très suivi.

Historique de l'édifice

Les archives de L'Etoile ne révèlent pas une existence très ancienne de cet Ecce-homo. Par contre les comptes des marguilliers de Flixecourt font état pour 1633-34 de la construction d'un Ecce homo, pour un montant de 67 livres [E suppl., p. 347, Flix. GG 6]. La première mention connue d'Ecce-homo à L'Etoile n'est que de 1713, en délimitation de la terre appelée la Maladrerie (située à l'Est du carrefour) [H dépôt Picq. 52, L'Étoile]. On relève ensuite des mentions en 1753 [3 E 30220], en 1769 [G 2228], et semble-t-il le sigle de cette chapelle sur les exemplaires commerciaux des cartes de Cassini (1757). Les plans de 1783 dénomment Rue de l'ecce homo ce qui deviendra la rue d'Amiens, laquelle se termine par un petit carré à l'emplacement de l'édifice. Le lieu-dit L'ecce homo se retrouvera tout au long du XIXe siècle.

C'est dans les années 1930, après que le village ait connu un développement considérable de son urbanisme dans la zone des Moulins-Bleus, que pour permettre un meilleur écoulement de la circulation, le petit édifice de l'Ecce-homo fut démoli.

La statue

Ecce homo [Voici l'homme], fut l'exclamation de Ponce Pilate présentant au peuple juif le Christ couronné d'épines (St Jean, XIX, 5). Ce thème inspira de nombreux peintres et sculpteurs, particulièrement entre les XIVe et XVIe siècle. L’Ecce homo du sculpteur picard Nicolas Blasset (1600 - 1659) est l'une des pièces maîtresse du musée d'Amiens.

L'Ecce-homo de L'Etoile se trouvait dans la chapelle (voir ci-dessus), sans que l'on sache, on l'a vu, si la totalité de l'édifice et la statue elle-même étaient parfaitement contemporains. La sculpture, en bois, représente le Christ assis, vêtu d'un simple linge lui couvrant le haut des jambes, les mains croisées, et les poignets liés.

   

L'Ecce-homo ou Christ assis, dit Dieu de Pitié (120 mm x 45 mm) dans le dossier d'étude de recontruction de l'église (A6e, p. 45), dit aussi Christ aux liens (Base Mémoire), est une statue en bois décapé, du XVIe siècle. Elle est inscrite à l'inventaire des Monuments historiques.

 

Historique de la statue

Il semble bien qu'après la démolition, vers 1930, de la chapelle qui l'abritait, la statue ait été remise au propriétaire du château du village, et qu'elle ait alors été placée au rez-de-chaussée. Après la démolition du château, en 1951, celle-ci fut conservée par le propriétaire des lieux. Arriva ensuite le petit incendie de l'église, peu avant 1982. Les panneaux de bois sculptés ceinturant le chœur ayant brûlé jusqu'à une hauteur d’environ 2 mètres, les nettoyages firent apparaître dans le mur du chœur des niches rebouchées ignorées ! Elles furent donc dégagées et les niches furent occupées par les statues qui se trouvaient entreposées sur la balustrade où se trouvait l’orgue. Marius Pecquet rendit alors l'Ecce-homo qui retrouva une place derrière l'autel, au fond à gauche de l'abside (niche 3).

On pouvait penser que la statue avait enfin trouvé son emplacement définitif mais l'embrasement de l'église, le 17 juillet 1991, fut, on s'en doute un drame. Cette statue surchauffée et noircie, comme bien d'autres plus ou moins endommagées, fut conservée dans le local municipal du Bol de lait. Cette statuette est actuellement en dépôt à Amiens, aux Antiquités et Objets d'Art de la Somme (janvier 2008) [Voir les photos].

 

 

Crédit photos : J. Hérouart (1ère photo NB, statue sur son socle) ; Conservation des Antiquités et Objets d'Art (2e et 3photo NB, la deuxième ayant vraisemblablement été prise par M. Pontroué en 1976) ; Programme de reconstruction de l'église (photo A6e, page 45, avec dimensions) ; Pierre-Yves Corbel © Monuments historiques, 2002 (Base Mémoire, deux des trois photos de l'Ecce-homo, sous le nom de Christ aux liens, statue déposée après l'incendie de l'église) ; Alain Castello, maire de L'Etoile (informations concernant sa conservation).

Dernière mise à jour de cette page, le 11 janvier 2008.

 

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