L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Pierre d'Amiens

 

1194/5 - 1204 : Pierre d'AMIENS (Petrus de Ambianis)

Pierre d'Amiens (Petrus de Ambianis), seigneur de Vignacourt et de Flixecourt, et nécessairement de L'Etoile, ou du moins de la terre de Moreaucourt, selon une acte de 1200 concernant le moulin. Il est le fils aîné de Dreux d'Amiens et de Marguerite de St-Pol – donc né vers 1170/80 – et est décédé en l'été 1204 durant le retour de la 4e croisade, à La Blanche, vers Salonique (Grèce), sans alliance et sans postérité connues. Il portait trois chevrons vairés [D. Villevieille, p. 356/1].

On sait de Pierre d'Amiens, qui était auprès du roi près de Vernon (Eure), tomba ensuite gravement malade, en juin 1200, au point de dicter son testament ainsi que plusieurs chartes (voir ci-dessous). L'une d'elles, qu'il précisera postérieurement, fut en faveur des sœurs du prieuré de Moreaucourt, et les copies en furent conservées : Pierre, malade en juin 1200, donne aux religieuses de Moreaucourt un muid de blé à prendre sur le moulin de L'Etoile, chaque année au jour de Noël. Ce don, accordé pour le salut de son âme, reçoit l'assentiment de son frère Th(ibaut). Une seconde charte précise que ce blé sera à prendre hebdomadairement par petites quantités, unum quarterium, jusqu'à obtention du muid. L’article premier accorde aussi aux sœurs qu'elles fassent en son Ponthieu un fossé pour l'utilisation du moulin. [78 H 19, n° 12, articles 1 et 2].

Recouvrant la santé il regagna l'Amiénois, puis s'embarqua à Venise pour la quatrième croisade, où son action fut héroïque, nous disent les chroniqueurs. Mais il mourut sur le chemin du retour, en 1204 (voir ci-dessous).

Ce fut Renaud, son frère, qui lui succéda à Flixecourt (Jumel) [BSAP, t. 19, note p. 714]. Mais Renaud, qui n'est jamais cité pour L'Etoile, n’aurait pas hérité de ce terroir. Par contre son autre frère Aléaume fut incontestablement seigneur de L'Etoile, et donc probablement dès le décès de Pierre.

Voir : Armoiries d'Amiens

La quatrième croisade

Probablement, comme beaucoup d'autres chevaliers, Pierre d'Amiens embarqua-t-il pour l'orient depuis Venise, le 1er octobre 1202.

Sa vie prit fin lors de la 4e croisade (1199-1207), contée par Villehardouin : Pierre d'Amiens, pris la croix (peu après le 23 février 1200) dans le groupe de son oncle le comte Hugues de St-Pol (bien que l'Amiénois fût alors terre de la couronne de France). Séjournant trois semaines dans la riche et plantureuse île de Corfou, il fut de ceux qui entrèrent dans l'opposition (fin mai 1203), et même l'un des principaux chefs parmi ceux qui voulaient disloquer l'armée et retourner à Brindisi (Italie du sud). Mais le comte réussit à le remettre sur le droit chemin et il le prit dans son corps d'armée, le troisième. Pierre mourut l'été 1204, vers Salonique (voir R. de Clari). Il "était un très puissant et haut homme, et bon chevalier, et preux ; et le comte Hugues de Saint-Pol [...] en montra très grand deuil, et ce fut une grande affliction pour tous ceux de l'armée." [Villehardouin, paragraphes 9, 114, 149 et 291]

 

Robert de Clari, chevalier de Clari-en-Amiénois (Cléry-les-Pernois, à 13 km de L'Etoile, sur la Nièvre) est aussi l'auteur d'un récit de cette croisade. Mais, étant sous la bannière de Pierre d'Amiens, il est évidemment plus complet – et surtout plus élogieux – pour son seigneur ! Ainsi, dès les premières pages, le ton est donné : "Messire Pierre d'Amiens, le beau chevalier, le preux, le vaillant", "Pierre d'Amiens, bon chevalier et preux et qui y fit beaucoup de prouesses", et dans la liste de ceux qui y firent le plus de faits d'armes et de prouesses : "Pierre d'Amiens, le preux et le beau". Par contre l'épisode de la révolte de Corfou est passé sous silence. L'auteur reprend ses éloges avec la répartition des bataillons, en attribuant le second (le 3 e d'après Villehardouin) aux "comte de Saint-Pol et monseigneur Pierre d'Amiens", et surtout en allant affronter Alexis III au premier assaut de Constantinople, prenant de fait la place du 1 er corps et faisant fuir l'ennemi impressionné par son audace ! R. de Clari s'attache même à rendre plus vivants ses personnages en rapportant fréquemment leurs paroles "Seigneurs, chevauchez, de par Dieu, à toute allure", etc. (Villehadouin ne cite pas cet épisode). Mais le fait d'arme que l'on retiendra se situe lors de la deuxième prise de la ville (13 avril 1204) lorsque, deux tours ayant été conquises, Pierre prend l'initiative de faire percer une poterne à sa base. Malgré d'énormes pierres et de la poix bouillante lancées sur les assaillants, un groupe pénètre dans la ville et ouvre une porte. Ainsi les français entrent dans Constantinople et Murzuphle s'enfuit laissant sur place ses coffres et joyaux ! Mais, pour notre héros picard, la belle aventure s'arrête bientôt : " Pierre d'Amiens, le beau et le preux, mourut pendant le retour, dans une cité, qu'on appelait la Blanche, qui était fort près de Philippes [100 km à l'est de Salonique, Grèce], là où Alexandre naquit, et puis il y eut bien cinquante chevaliers qui moururent pendant ce voyage." Le comte de S t-Pol mourra également et notre historien, privé de ses héros, perdit son entrain à relater les faits qui suivirent. ( La Conquête de Constantinoples, traduite par Pierre Charlot en 1939, p. 3, 4; 5, 100, 104 à 109, 161 à 167, 217 [BMB, P 17847] ; BSAP, t. 19, p. 700 à 734).

 

Compléments concernant Pierre d'Amiens :

1184 : il fonde l'hospice de S t-Jean d'Amiens [N, p. 100].

1185 : il succède à son père (Jumel, Flixecourt, p. 87).

1194. A Labroye, Pierre d'Amiens accorde une commune en 1194 (sur le type de celle d'Abbeville) avec obligation de clore et fortifier le bourg avec du bois pris dans la forêt. [ADP, A 5]

1195 : Pierre donne à Hugues de Picquigny une maison située à Amiens, in Castillione, où fut autrefois le château d'Amiens [N, p. 100, 101].

1196 : reconnaissance de torts après la pendaison d'un homme [N, p.  101]. Donation à l'abbaye de Berteaucourt.

1199 : il valide les donations faites à l'Hôtel-Dieu par son père et Pierre son oncle [N, p. 101]

En mai 1200, il se rend au Goulet près de Vernon (Eure) où Philippe Auguste signe la paix avec Jean-sans-Terre (le 22 mai), puis (le 23 mai) allie son fils, le prince Louis, avec Blanche de Castille.

Au retour des fêtes et tournois donnés en cette occasion, il tomba gravement malade, à Meulan (Yvelines), en juin 1200, et il fit son testament, entouré de chevaliers et de moines picards qui avaient assisté à ces solennités. Pour la rémission de ses péchés il donne 20 arpents de bois à l'abbaye S t-Jean d'Amiens [BSAP, t. 19, p. 709, et P.J. p. 728-30 (Cart. de S t-Jean, p. 216, et orig. en parch. E XVI)]. Le même mois il octroie une concession sur les toupeaux en faveur de l'abbaye du Gard (avec sceau représentant Trois chevrons vairés) [N, p. 101], et celle en faveur de Moreaucourt (ci-dessus).

Revenu à la santé, il regagna ses domaines de l'Amiénois. En mai 1202, il confirme sa donation à l'abbaye de Berteaucourt, et y ajoute des bois [BSAP, t. 19].

 

Publication Ghislain Lancel, d'après des recherches effectuées avant 2008 (avant l'accès aux puissants moyens informatiques actuels...)

Première publication, le 22 juillet 2013. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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