L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Notes de Michel Racine (vers 1939)

Michel Racine est né à Brucamps en 1884 et fut recensé à L'Etoile à partir de 1906 mais il y a arriva certainement bien plus tôt puisque, âgé de 22 ans, il était alors déjà contremaître à l’usine Saint-Frères des Moulins-Bleus. Demeurant quelques temps rue des Moulins-Bleus puis rue Gaillarde, il est ensuite recensé en 1921 en tant que Chef de filature. Michel est décédé à L'Etoile en mai 1964.

Le document qui suit, sans date (entre 1938 et 1968, présumé avant la guerre) est la transcription de six pages dactylographiées et d’un plan résumant quelques notes sur l’usine des Moulins-Bleus (historique, logements, matériel, etc.) Les informations données par Michel Racine semblent fiables, mais certaines manquent toutefois de précision tandis que d’autres sont approximatives [Voir les commentaires et les interrogations entre crochets, en particulier en ce qui concerne les logements du temps de l’usine Blanchet, dite Vieux moulins-Bleus].

Les notes et plan de Michel Racine

HISTORIQUE DE L’USINE DES MOULIN-BLEUS

L’ancienne usine des Moulins-Bleus dont il reste encore quelques bâtiments était la propriété de Monsieur BLANCHET. Elle a été vendue à la Société SAINT-Frères le 15 janvier 1883 [en réalité le 5 février, avec effet rétroactif au 15 janvier].
A cette époque l’usine comprenait une filature de lin et de chanvre et un tissage qui avait la spécialité de la fabrication de toiles à voiles.
La construction de tous les bâtiments était en briques et se composait des locaux suivants :
1°) Bâtiment des générateurs et moteurs : construction encore existante et dénommée « Bâtiment au bois ». La cheminée fut démontée en 1938.
2°) Filature : bâtiment à double étage établi parallèlement au chemin du halage, appelé à ce moment « la filature neuve », l’ancienne dit-on aurait été incendiée.
3°) Tissage : bâtiment occupé aujourd’hui par l’atelier de réparations. On y remarquait deux genres de fabrication, Toiles à voiles et Tissu dit Luneray.
4°) Magasin Fils et Etoupes : bâtiment démonté. Il était situé face au Magasin Huiles. Les caves avaient la renommée de tenir en parfaite conservation les toiles destinées à la vente.
5°) Bureaux : bâtiment détruit. L’emplacement était situé près du pont sur la Nièvre. Le rez-de-chaussée servait de dépôt aux Matières Diverses. A l’étage étaient installés tous les bureaux de l’usine.
6°) Habitations : la maison de Monsieur BLANCHET était celle où demeure actuellement le comptable. La maison voisine était occupée par le comptable [le long du chemin de halage].
7°) Cantine ouvrière : bâtiment disparu [qui] était installé à l’emplacement actuel des chaudières.

 

VIEUX MOULINS-BLEUS (LOGEMENTS DU PERSONNEL)


1°) Deux habitations pour employés, situées sur l’emplacement actuel du parc à charbon [à localiser].
2°) Cité (détruite). Emplacement face à la Coopérative [Voir le plan 99 O 1620/Voierie, du projet de rue des Moulins-Bleus en 1884 et les Cités détruites].
3°) Habitations de la maîtrise : emplacement même de la Coopérative. Y étaient logés le chef mécanicien, le conducteur de machines et le contremaître de filature [Voir aussi les Cités détruites].
4°) Cité des 14 maisons : construction disparue située parallèlement au Chemin de l’Hermitage, prenant d’un bout à l’entré du sentier dit « Petit Chemin » [Aux environs de la Cité des Prés].
Toutes ces constructions étaient la propriété de l’usine.

Il y a lieu de noter qu’à cette époque le chemin des Moulins-Bleus descendait vers l’usine en passant derrière le groupe scolaire actuel. Le chemin prenait [commençait] à la pointe que forme la clôture du jardin de l’instituteur pour atteindre l’usine aux environs du Magasin fils.
Ce chemin était bordé de marronniers, ainsi que la Cité face à la Coopérative ; il en était de même sur la Somme, depuis les bureaux actuels jusqu’à la porte d’entrée de l’usine.

USINE SAINT FRERES

Le début de la construction de l’usine actuelle date de 1884. A cette époque, neuf chaudières Meunier furent installées successivement, et alimentaient d’une part la fabrication ; d’autre part, une machine à vapeur Boyer 2 cylindres 600 chevaux, puis une machine à vapeur Dujardin 1 cylindre à 600 chevaux, et enfin une machine Crépelle et Garan (cette dernière vers 1900).

Matériel
Les premiers métiers à filer installés ont été des 3"3/4 provenant de l’ancienne usine Blanchet.
En 1900, il y avait 96 bords [métier à filer ou métier à retordre] : 10 bords 5" ; 40 bords 4"1/2 ; 16 bords 3"3/4 ; 30 bords 4".
En 1902, on rajouta 8 bords 3"1/4 neufs.
En 1906, on rajouta 8 bords 3"1/4 venant de Pont-Remy.
En 1908, on rajouta 8 bords 3"1/4 venant de Beauval.
En 1934/35, on rajouta 8 bords 3"3/4 venant d’Harondel et 24 bords 4"1/2 venant de Rouvroy. [Total :] 152 bords.

Les ateliers de préparation, carderie et mouillage suivirent naturellement la progression des broches de filature. Quelques changements important furent apportés en raison de l’emplacement nécessaire au matériel.
C’est ainsi que le mouillage passa dans un magasin pour donner de la place à la carderie d’aujourd’hui qui, elle, se trouve dans l’ancien mouillage.
De même une partie de la préparation se trouve actuellement dans l’ancienne carderie.

Préparation
En 1930, [on comptait] 27 assortiments [qui] assuraient l’alimentation de la filature ; ceux-ci formaient une rangée entière dans le sens de la largeur du local, plus une deuxième rangée de 7 bancs.
En diminuant le nombre de machines et en augmentant celui des broches, une seule ligne est aujourd’hui installée. Cette amélioration a permis d’aménager complètement la troisième rangée des métiers à filer.

Tissage
Le local principal, celui où se trouve l’Atelier Réparations et le rez-de-chaussée du bâtiment Blanchet à étage, étaient garnis de métiers à tisser.
Avant 1900, [ce sont] 556 métiers exactement [qui] battaient du lundi matin au samedi soir.
Le grand tissage tissait le jute ; dans les anciens bâtiments se faisaient les articles Luneray lin et coton.
La marche journalière de 12 heures était assurée par une main d’œuvre locale et venant des environs (Bouchon, Long, Bettencourt-Rivière, Longpré, Condé, Hangest).
A ce moment là, il y avait du personnel en surnombre puisque 15 à 20 tisseurs attendaient chaque matin à la loge du concierge pour remplacer les absents de toutes sortes.
La production journalière atteignait de 70.000 à 80.000 mètres.
Les principaux articles tissés étaient des suivants : toile à sucre, toiles location, toiles à coller, toiles dites d’Algérie, toiles coton, toiles Luneray, toiles mixtes (jute-coton et jute-lin).
La filature ne pouvant alimenter le tissage, il était nécessaire d’acheter des fils à l’extérieur.

Transport du personnel
Avant d’être transporté par camion, le personnel était amené de Long par péniche couverte. Dès 1894 le « Nautilus », tiré par un cheval, amenait à Moulins-Bleus les ouvriers de Long. Pour ce transport chaque ouvrier versait 5 centimes par jour, la commune de Long et la Société SAINT-frères payant la même somme.
Par la suite le Nautilus fut remplacé par le Beauvallon, bateau à moteur qui servait au même usage.

 

LISTE DE CONSTRUCTION


Tissage : 1884/1895 ;
Filature : 1884/1895 ;
Cheminée : 1884 ;
Salle des machines : 1884/1892 ;
Magasin Jutes : 1890 ;
Magasin Matières Diverses : 1895 ;
Habitations ouvrières : 1888 ;
Maisons à étage : 1884 ;
Coopérative : 1892/1894 [Economat vers 1896 ; La Prévoyance : 1910] ;
Premier groupe scolaire [Ecole de la Rue des Moulins-Bleus, école du bas] : 1889 ;
Deuxième groupe scolaire [Ecole de la Rue des Moulins-Bleus, école du haut]: 1910 [1913 ?] ;
Ecole maternelle : 1925/1928 [Rue St-Martin (1934)] ;
Quai et portique : 1912 ;
Crèche : 1935 ;
Terrain de sport : 1938 ;
Electrification : 1926/1928.

DIRECTEURS SUCCESSIFS


1883 à 1904 : Léon DUCROTOY ;
1904 à 1909 : Fernand PETIT ;
1909 à 1930 : Henri FOURQUER ;
1930 : THIERRY [lire : THIEFRY] ;
1930 à 1933 : Yves COAT ;
1933 à 1934 : Daniel PELCE ;
1934 .... : Lucien SOLEILHAC.

 

Plan dactylographié

Plan terminant les notes (page 7/7). Le plan a été remis en couleur en tenant compte de la note "Hachurée en rouge : Ancienne usine Blanchet ; I. Logement de Mr Blanchet, 5. Générateur et machine à vapeur, 4. Filature, etc.)". On remarquera que la Nièvre traverse encore la cour de l'usine. Il manque la légende de nombreux numéros du plan.

 

Remerciements : J. Hérouart (Notes dactylographiées et plan)

Dernière mise à jour de cette page, le 20 mars 2007.

 

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