L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

GLOSSAIRE TISSAGE ET FILATURE

Ce glossaire du tissage et de la filature permettra une meilleure appréhension des métiers, qualificatifs et termes techniques rencontrés dans le Grand livre de la paye de Saint-Frères, ainsi que dans les recensements de population des environs de L'Etoile.

Mme Laurence Philippe Doré s'est intéressée aux métiers du textile pour avoir eu des ancêtres fileuses, cardeurs, etc. Elle a donc cherché à savoir ce que représentaient toutes ces qualifications et eut la chance de pouvoir visiter une des dernières filatures de la Seine Maritime, avant qu'elle ne soit démolie. Il restait des ouvriers passionnés par leur métier et très attachés aux machines sur lesquelles ils avaient pourtant peiné toute leur vie. Leurs explications ont été précieuses, car il n'est pas facile d'imaginer combien ce travail pouvait être dur et combien ces vieilles machines avaient augmenté la productivité, en reproduisant - mais en plus rapide - toutes les tâches jadis effectuées à la main.

Plus que des métiers, il s'agissait de qualifications : les grandes filatures embauchaient une main d'œuvre souvent peu qualifiée et formaient "sur le tas" la plupart de leurs ouvriers. Les différents termes sont dérivés de la partie de la machine, de la pièce, ou du type de matériau sur lesquels travaillait l'ouvrier. L'ordre alphabétique procède d'un esprit ordonné, mais il faut plutôt imaginer l'usine comme une grosse ruche, dans laquelle la matière textile entrait et d'où sortaient les fils et la toile. Chaque étape de la transformation a son type de machine, et ses ouvriers. Si l'on veut vraiment comprendre toutes les subtilités de ces différentes qualifications, il faut trouver un musée avec des anciennes machines à filer et tisser. Ce n'est pas très facile à expliquer sans les machines. On pourra aussi consulter le site des métiers d'autrefois, rubrique canuts.

AMENDES : sans aucun doute les amendes infligées à l'atelier : casse, retards, désordres, bagarres, état d'ébriété, absences, et même bavardage. La rentabilité maximum était de rigueur.

APPOINTEMENTS : Les appointements sont-ils réservés aux seuls contremaîtres ? Sans doute, car ils forment une classe à part. Dans le but d'améliorer la productivité, d'organiser le travail afin d'éviter les temps morts, des hommes sont formés - dans des écoles techniques - pour devenir contremaîtres. Ils occupent une place privilégiée, charnière indispensable entre la direction et la base. Dans l'industrie du xixe siècle, leur rôle est pris très au sérieux. Ce sont les premiers "cadres".

ASSOUPLISSEUR(SE) : certaines toiles (selon le tissage, le type de matière employée) étaient trop raides pour pouvoir être travaillées directement. On les plongeait donc dans des bains assouplissants, dont la formule chimique était gardée précieusement. Encore un autre danger pour nos ancêtres : tous ces produits étaient de vrais poisons à long terme, à force de tremper les mains dedans, d'inhaler les vapeurs.

BROCHE : tige métallique sur laquelle on place la bobine de fil (soie, laine, coton, etc.), donc embrocheur(se) : personne chargée de placer la bobine sur les broches. La bambrocheuse est chargée de remplacer les bobines terminées par de nouvelles, pour alimenter le métier à tisser. Toujours la racine "broche", car une bobine, pour pouvoir dévider son fil sans à-coups et régulièrement, est toujours (encore maintenant) placée sur une tige qui fait penser à une broche de cuisinier , et qui lui sert de pivot pour tourner, se dévider.

BOBINE : ... bon... une bobine, c'est une bobine... dans l'industrie textile c'est un chouïa plus imposant que la bobine de fil pour raccommoder les chaussettes. La personne chargée de la surveillance de la fabrication (enroulage à toute allure du fil autour d'un cylindre, jusqu'à obtention du diamètre voulu) est la bobineuse. Elle coupe ensuite le fil, enlève la bobine, remet un cylindre, remet le fil, surveille ... etc.

CAISSE : Quelques usines, déjà au xixe, créaient une caisse de secours, alimentée par une ponction sur le salaire des ouvriers pour pallier aux problèmes de santé, d'invalidité, etc. La « sécu » n'existait pas encore, ni les caisses de retraite ("mes" fileuses sont presque toutes mortes "mendiantes" ou "indigentes"). Mais ne rêvons pas : le peu d'argent récolté ne suffisait pas à tout payer. Il était réparti selon des critères précis : quelques sous pour une absence due à une blessure, un peu plus (mais trois fois rien) pour la veuve d'un ouvrier mort au travail, etc.

CARDER la laine : démêler la laine avec une sorte de gros peigne, pour remettre tous les brins dans le bon sens et faciliter la fabrication du fil. D'où le cardeur. Cela, c'est l'ancien métier. Dans une filature, il faut voir deux plaques indépendantes, munies de différents crochets, peignes, etc. On met la matière brute entre les deux, la machine fait son boulot de machine et carde.

CHAUFFEUR : chargé d'alimenter la chaudière qui participe à la production de vapeur, qui elle-même sert de source d'énergie aux différentes machines (le xixe et début xxe furent les siècles de gloire de la vapeur).

CHEF : un chef par atelier (filature, tissage, etc.) Il sort peu de son bureau. Chacun est représenté par son contremaître (Voir à ce mot).

CONTREMAITRE : il est sous les ordres de son chef, mais sa présence est dans les ateliers. Il peut avoir sous ses ordres un agent de maîtrise.

DEMONTEUR : A L'Etoile, le démonteur était celui qui récupérait sur les métiers à filer (ou à retordre) les bobines de fils destinées à la vente et qui les remplaçait par des vides.

EMPLOYE D'USINE : terme vague désignant celui qui n'a pas de qualification précise, qui va peut-être en acquérir une, qui n'en aura peut-être jamais (ne pas oublier que les filatures employaient des handicapés mentaux qui étaient capables de tâches simples et répétitives, mais pas de réflexions prolongées... donc plus difficiles à former).

ETIRER : d'où étirageur (ou étireur). Pas facile à expliquer sans la machine, non plus. Le but de l'étirage, c'est de transformer le gros fil de coton (ou autre), obtenu dans un premier temps, en un fil plus fin, et plus solide.

FILATURE : usine qui transforme une matière textile en fils utilisés pour le tissage.

FILEUSE : La fileuse (celle des filatures industrielles) était responsable d'un ou plusieurs métiers à filer (ou à retordre), machines destinées à réalisées des bobines de fil destinées à la vente (bobines de fil simple ou de fils retordus, c'est à dire comportant 3 ou 4 fils tressés). A L'Etoile, les métiers mesuraient entre 20 et 25 mètres de long et comportaient une quarantaine de broche. Les fileuses devaient alimenter les métiers en mèches placées derrrière les machines dans des très grands "pots" (ou en fils placés en haut des machines pour les métiers à retordre). elles devaient surtout rebouter les fréquents fils cassés, devant !

GRAISSEUR : Etes-vous trop jeune pour avoir connu les trains qui avançaient au charbon ? Dans les gares, le graisseur arrivait avec la burette (cela ressemblait à un arrosoir à bec fin) et graissait à tout va. Même chose dans les filatures : tous les rouages avaient besoin de lubrifiant. D'autant que les particules de matière volantes absorbaient (trop) rapidement cette graisse. Particules qui étaient la plaie des machines (et des poumons de nos ancêtres, mais - à l'époque - pas grand monde ne s'en souciait).

HOMME DE PEINE : homme à tout faire...

JOURNALIER : payé à la journée (comme dans le monde agricole)

MANOUVRIER : ou "homme toutes mains" , travaillant de ses mains (comme dans le monde agricole).

MECANICIEN : celui qui est chargé de l'entretien (surtout de la réparation) des machines.

MOUILLEUR : les toiles fabriquées sortaient molles et souples. on leur appliquait un traitement (l'apprêt) qui les rendait plus lisses et presque craquantes pour certaines, jusqu'aux lavages répétés. Le mouilleur était chargé de ces bains d'apprêt.

OURDISSEUSE : La tâche de l'ourdisseuse consiste à disposer les fils dans un certain ordre pour former la chaîne. Ce travail est assez délicat car de la qualité du résultat dépend le travail du tisseur.

OUVRIER DE FILATURE ; OUVRIER D'USINE même chose que EMPLOYE D'USINE. Il ne faut pas forcément y voir des qualifications différentes, mais plutôt des fantaisies de rédacteurs de recensements, peut-être un peu noyés sous les différentes appellations ou l'imprécision de celui qui déclarait son métier.

PAREUR : joue également un rôle dans l'application de l'apprêt sur la toile. Mouilleur et pareur s'occupaient des bains d'apprêt.

PEIGNEUR ; PEIGNERON : ouvrier chargé du bon fonctionnement des peignes (une des composantes de la machine à tisser).

PELOTONNEUSE : ouvrière chargée de la machine qui fabrique les pelotes.

PLIEUR DE TOILES : chargé de plier les toiles, tout simplement, ou d'assurer la marche de la machine qui le fait.

REGLEUR : ouvrier chargé de régler les machines (notamment sur la tension des fils et leur torsion.... il y avait intérêt à ce que ce soit réglé au cheveu près, pour éviter la casse).

SALAIRE : moins ceci, moins cela.... Pas étonnant que Zola ait trouvé matière à ses romans dans la réalité. Typique des industries du xixe !

SIFFLEUR : un "siffleur" était un ouvrier chargé de surveiller le travail ou le non travail... de ses collègues et de la bonne marche des machines ; et il devait prévenir le contremaître (seul habilité à prendre des sanctions) en "sifflant". Genre d'adjoint au contremaître ... [Jacky Baudet]. A St-Ouen (Somme), au début du XXe siècle, c'est un siffleur qui appelait les enfants lorsqu'il fallait démonter les bobines sur les trameuses [Mme Cailly].

TRAMEUSE : Femme qui travaillait sur une trameuse, machine qui réalisait des pelotes allongées de jute destinées à prendre place dans les navettes [Mme Cailly].

TISSAGE (usine) : établissement industriel où l'on tisse, en entrelaçant des fils de chaîne (en longueur) et des fils de trame (en largeur), pour faire un tissu.

 

Remerciements à Mme Laurence Philippe Doré, en souvenir de ses fileuses et cardeurs.

Dernière mise à jour de cette page, le28 septembre 2006.

 

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