L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Les sources, fontaines et puits anciens

Il est assez difficile de localiser précisément les anciennes sources. Jadis appelées fontaines (du latin fontana, source), ces sources ont pu changer de cours souterrain avant d'affleurer en divers endroits. Elles ont pu se tarrir. Leur débit a pu changer, suivant les saisons ou les années. Leur importance est relative : une petite source faisait le bonheur d'un modeste paysan dont l'eau alimentait l'abreuvoir pour ses bêtes tandis que la même source était totalement ignorée d'un stellien demeurant à l'autre bout du village ! Ainsi les modestes sources étaient souvent désignées du nom du propriétaire des lieux, Fricot, Patry, etc.

Plusieurs lieux-dits de la commune attestent toutefois d'une présence durable d’eau, et ces toponymes subsistent : la Fontaine-Thuraude (au-dessous de la D 112 allant vers Long), le Puits (un peu plus à l'ouest entre la D 112 et le GR 123, et peut-être aussi la Trabette (entre le GR 123 et la route allant à Bouchon), lieu-dit présumé exprimer une déformation de l'ancien français tresbatre, qui se dit de l'eau qui s'échappe en frappant violemment un obstacle. Même si ces emplacements sont à l’écart du village actuel, on peut rappeler que jadis des fermes isolées devaient se trouver en ces lieux. On connaît d’ailleurs les emplacements de plusieurs villas gallo-romaines non loin de ces sites. En ces temps, on n’hésitait pas non plus à faire plusieurs lieues à pied pour aller chercher de l’eau potable ou pour laver son linge...

Tous ces toponymes se situent à l'ouest du village actuel.

La source – ou du moins l'une des sources – de la Fontaine-Thraude coulait encore à la fin du XXsiècle. Jacqueline Chevalier s'en souvient bien puisqu'elle était sur ses terres. Pierre, son mari, avait failli s'y noyer et n'avait dû sa vie qu'en s'agripant à une grosse branche. Pour aller à cette source, le plus simple était de se rendre au calvaire de Bouchon, de traverser la route en direction de la Somme, et de suivre un sentier aujourd'hui disparu. Cette parcelle était la première du lieu-dit cadastral dont la source tirait son nom et qui se prolongeait vers Long au-dessous de la D 112. Là il y avait donc "une Fontaine-Thuraude". Le nom est encore connu, mais avec un sens pluriel car il y en avait une "autre source Thuraude", non loin de la première, en direction des Argones. Ce n'était pas une mare mais bel et bien une source, avec une eau claire et même du cresson qui s'y développait naturellement. Cet espèce de trou rond, d'au moins une dizaine de mètres de diamètre, était un lieu idéal pour la pêche privée. Aussi des poissons y avaient été introduits et s'y multipliaient à plaisir. Mais une année de sécheresse vit la source se tarir, et le trou probablement comblé, si bien que depuis cet aléa climatique il n'y eut plus de source. La parcelle où elle se trouvait avait appartenu à Claude Lancel, qui l'avait rachetée en 1775 à la suite du décès de Pierre Beurier, lequel l'avait vraisemblablement acquise du sieur de Bernapré. Touchant "au voyeule au courant des eaux sauvages", elle était chargée de cens envers le fief de Saint-Elier, ce qui lui donnait un caractère particulier, sans toutefois remonter audit Thuraude dont le fief cité dès 1347... Il est vraisemblable que l'on ne se trompe pas beaucoup en pensant que cette source était celle qui fut remise en état après avoir été obstruée par la coulée de boue de 1748, fontaine tellement importante que 6 à 7 femmes des villages voisins y lavaient simultanément leur linge (Voir inondation).

Dans le village, ou à proximité, l'eau était aussi une nécessité. On se demande si, il y a très longtemps, l’Ecce-homo n’était pas le lieu d’un très ancien puits communal. Plus près de nous, en 1854 le maire voulait remédier à l’absence d’un puits à l’école des filles (rue des Juifs).

Les actes notariés ou d’archive font évidemment états de multiples fontaines ou puits, en tant que bien propre ou comme repère connu de tous qui permettait de situer sans discussion une parcelle ou une maison. Ainsi en 1642, on relève une parcelle tenant "parderrière à la rivierette et à la fontaine de St-Pierre", donc à proximité de la rue du Gal de Gaulle, peut-être cette même fontaine recouverte en 1748… [3E 29132] ; en 1662, une masure "ten(ant) le total d’un costé au ruisseau de le fontaine Patry" [3E 26347] ; en 1665 : "l'eschaut de fontaine" [G 2238] ; en 1883, le petit jardin de la maison dans lequel se trouve un puits, parcelle située ruelle de Flandre (qui serait la ruelle Gaudeux ?) [ Form., vol. 1831, acte 10. Vente Blanchet] ; et en 1884 les parcelles cadastrales C 88-89 (près de la fontaine du château, mais à l’extérieur de l’enclos) étaient dites au lieu dit La Fontaine [3 E 6340 (23 avril 1884), Cauet, art. 7]. La consultation de ces quelques actes laisse penser qu'un inventaire systématique permettrait de trouver beaucoup d'autres sources d'eau !

Les monographies proposent des synthèses. L’enquête Garnier de 1863 mentionne 5 (et non 6) fontaines naturelles, autrement dit des sources captées : "Fontaines naturelles : 6 fontaines : 1° Fontaine Pierre-Planque [inconnu]. 2° Celle du jardinier [au château, ou bien de Pierre Quignon ou de Nicolas Vasseur, jardiniers en 1872 demeurant rue d’Amiens et rue St-Martin ?]. 3° Fontaine Pierre Fricot [rue du Gal de Gaulle, à l’ouest de la Vauchelle]. 4° Fontaine Tintin Bénard [Probablement Quentin Besnard, père, aubergiste rue du Pont]. 5° Fontaine des Prés Monsieur [sic]". On peut se demander s'il en manque une sixième, et d'autes ? Les deux sources des jardins du château, visibles sur les plans de 1833, sont-elles dans ce lot ?

La monographie communale de 1899 (art. 8) ne donne pas de précision mais insiste sur la qualité de l’eau : "Plusieurs nappes souterraines se trouvant tantôt dans des fissures de pierre calcaire, tantôt sous des couches de graviers, alimentent les puits et les sources; quelques-unes de ces sources dans la partie basse du village, fournissent une eau assez recherchée. Peu ou point de mares avoisinent les habitations mais par contre de nombreuses pièces d'eau (anciens trous d'extraction de la tourbe) se trouvent assez rapprochées du village".

Aujourd'hui chaque maison dispose de l'eau courante. Les sources ne sont plus entretenues, les puits et pompes à bras ne sont plus que des supports à décorations florales.

 

Dernière mise à jour de cette page, le 15 décembre 2008.

 

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