L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL | |||
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Le recensement de 1906 est signé du maire, Ch. DEVAUCHELLE, en date du 20 mars 1906. Le récapitulatif indique une population de 1752 habitants (le maximum absolu, mais il est à corriger en 1747, pour cause de double compte). Ce nombre comprend les 605 personnes demeurant aux Moulins-Bleus. En 25 ans, l’effectif total de la population a donc doublé (884 en 1881), et celui des Moulins-Bleus a été multiplié par quatre (142 en 1881) ! Les ateliers de filature et tissage Saint-Frères expliquent à eux seuls l’accroissement de la population avec 768 personnes employées dans ces usines textiles ! L’ouverture d’une route rectiligne aux Moulins-Bleus avait été demandée par délibération en date du 6 avril 1888, et ses maisons, si caractéristiques, avaient été construites peu après. Si Saint-Frères est maintenant du passé, par contre la rue des Moulins-Bleus est toujours bien présente et n’a pas changé d’aspect !
Parmi les inévitables erreurs du recensement, citons cinq doublons d’enfant : Charles BERMONT, fils et nourrisson (n° 1264 et 1463) ; Justin/Augustin BERMONT, fils et pensionnaire (n° 1508 et 1554) ; Blanche BOULARD, fille et belle-fille (n° 186 et 552) ; Maurice GAMBART, fils et petit-fils (n°644 et 1491) ; Madeleine SAILLY, fille et petite-fille (n° 399 et 960).
Parmi les difficultés de détermination, rappelons aussi les fréquentes variations sur les prénoms. Un exemple suffira : Florent Octave WALLET (selon l’état civil), est dit Octave au recensement de 1872 mais Florent sur celui de 1906. Et il n’est pas le seul à changer ainsi de prénom !
A signaler qu'à partir de ce recensement on dispose de cartes postales. Sur ce site, et pour ce recensement de 1906, on pourra consulter celles de Paul Lheureux et celles au logo à la fleur, s'attarder sur l'état des façades et des rues le plus souvent sans trottoirs, voir les enfants de la rue des Moulins-Bleus et le linge des locataires du château qui sèche sur les clotures, la tête du facteur (?) et peut-être celle de vos ancêtres ! [cartes postales Choisir le classement par éditeurs, qui est presque chronologique].
Les colonnes du recensement sont au nombre de treize, soit deux de plus qu’en 1881. Après les colonnes habituelles des numéros des maisons, des ménages et des individus, et celles des noms et prénoms (nom marital puis de jeune fille, pour les femmes), figurent la bienvenue colonne de l’année de naissance (et non de l’âge !) et surtout celle du lieu de naissance (qui n’avait précédemment été retenue qu’en 1872). Viennent ensuite celles de la « Situation par rapport au chef de ménage », de la profession, et enfin celle si précieuse de la mention du patron : « Pour les patrons, chefs d’entreprise, ouvriers à domicile, inscrire : patron – Pour les employés ou ouvriers, indiquer le nom du patron ou de l’entreprise qui les emploie ».
L’ordre des rues est nouveau dans ce recensement. Il commence par la rue du Presbytère. Mais ce n’est pas par esprit de clocher, l’instituteur (Gaëtan MELLIER) passe avant le curé (Alexandre COISY), qui n’occupe que la deuxième maison ! Après les autres rues de l’agglomération du chef-lieu viendront les Moulins-Bleus, le Bout de Bouchon, Aux prés et Moreaucourt (en réalité la ferme de l’habit).
Les récapitulatifs du recensement mentionnent 1752 personnes (y compris deux étrangers, et non un seul), dont 1139 recensés agglomérés au chef lieu et 613 éparses (605 aux Moulins-Bleus). Le nombre de maisons est de 433, dont 133 aux Moulins-Bleus. La Rue Noire redevient la Rue Saint Martin. Bout de Bouchon (1 maison) et Aux Prés (1 maison) font leur apparition.
On commence à trouver des résultats statistiques, sur les tranches d’âges (mais ils sont faux !) : 45 (et non 42) petits enfants nés en 1905 ou 1906 ; 641 (et non 622) individus âgés de 1 à 19 ans ; 510 (et non 494) ayant entre 20 et 39 ans ; 382 (et non 346) autres âgés de 40 à 59 ans et seulement 174 (et non 248 !) individus ayant 60 ans et plus, pour un total (dans tous les cas !) de 1752 personnes.
Deux ans après le recensement de 1881 la société Saint-Frères avait racheté l’usine de toiles à voiles BLANCHET aux Moulins-Bleus. Elle avait fait construire sur place une nouvelle usine et l'avait équipée de matériel performant, améliorant encore la mécanisation déjà mise en œuvre dans ses autres usines (Harondelle) pour la transformation du jute, tant dans la filature que pour le tissage. En 1906 les activités SAINT-FRERES sont florissantes, non seulement à L'Etoile, mais aussi dans toute la vallée de la Nièvre. Pour l’usine des Moulins-Bleus, c’est alors Fernand PETIT, 33 ans, né à St-Ouen, qui est le Directeur d’usine. Henri FOURQUER, 41 ans, né à Paris, est lui Directeur de filature.
On compte 766 personnes (272 femmes et 494 hommes) recensées ayant la société St-Frères pour patron. Fileuse et tisseur sont évidemment les deux métiers principaux des ateliers de filature et de tissage. Mais on relève aussi une grande diversité d’autres qualifications. En voici la liste, par ordre alphabétique, avec les effectifs : Ajusteur mécanicien (1) ; Bambrocheuse (5) ; Bobineuse (2) ; Bourrelier (2) ; Cardeur (2) ; Charpentier (1) ; Charretier (1) ; Chauffeur (7) ; Chef mécanicien (1) ; Comptable (1) ; Concierge (1) ; Conducteur mécanicien (1) ; Contremaître (5) ; Couvreur (1) ; Démonteur ou démonteuse (4 + 6) ; Directeur d’usine (1) ; Directeur de filature (1) ; Employé de bureau (14) ; Employé d'usine (2) ; Etirageur ou étirageuse (1 + 7) ; Ferblantier (3) ; Fileuse (105) ; Graisseur (9) ; Homme de peine (3) ; Inspecteur de toile (1) ; Journalier ou journalière (5 + 3) ; Maçon (2) ; Manouvrier ou manouvrière (8 + 2) ; Mécanicien (20) ; Menuisier (3) ; Mouilleur (6) ; Ouvrier ou ouvrière de filature (6 + 8) ; Ouvrier ou ouvrière d'usine (82 + 62) ; Pareur (14) ; Peigneron (1) ; Peigneur (1) ; Peintre (2) ; Pelotonneuse (24) ; Plieur de toile (5) ; Plombier (1) ; Régleur, de tissage (4 + 1) ; Serrurier (1) ; Siffleur (2) ; Surveillant (7) ; Terrassier (1) ; Tisseur ou tisseuse (232 + 32) ; Tourneur (1) ; Tourneur en bois (1) ; Tourneur sur métaux (2) ; Trameur ou trameuse (22 + 11) ; Veilleur de nuit (1) ; Vidangeur (1) ; Visiteur de toiles (1). Voir à la page Glossaire le vocabulaire des métiers du textile.
La coopérative (St-Frères) emploie aussi un peu plus d’une douzaine de personnes (employé, épicier, charcutier, boulanger).
On vient fréquemment d’assez loin pour travailler chez Saint-frères, et l’on s’installe alors où l’on peut, aux Moulins-Bleus bien sûr, mais aussi par exemple rue Gaillarde ou rue d'Abbeville. Assez souvent, l’homme, sa femme et leurs enfants hébergent aussi d’autres membres de la famille, comme le beau-père ou la belle-sœur du chef (de ménage). Ce n’est pas par charité ; même âgés ils travaillent aussi chez Saint-frères. Et il arrive même que l’on ajoute à la maisonnée des neveux ou nièces... La femme du chef n’a que rarement un emploi désigné, mais on devine qu’elle a beaucoup à faire avec les enfants et tout le reste de la maisonnée...
Citons une famille, une parmi d’autres : les BODROS. Sans qualification, la famille arrive au complet de Morlaix (Finistère) et s’installe rue St-Martin. L’homme, la femme et leurs quatre enfants sont tous ouvriers d’usine chez St-Frères. Et puisque l’épouse travaille, c’est la fille, 17 ans, qui prend la place de femme au foyer. La rue St-Martin accueille aussi bien d’autres familles de travailleurs. On trouve en particulier un grand nombre d’occupants dans les deux dernières maisons de cette rue, la maison 191 avec 9 familles (22 personnes), et la maison 192, avec 20 familles (50 personnes !)
Tout le monde ne travaille quand même pas à l’usine ! On relève aussi un bon nombre de personnes qui sont encore à leur compte, au total 61 patrons (ou patronnes). Les hommes exercent alors des métiers ruraux, essentiellement agriculteurs, ou se chargent de nourrir ou soigner la population (aubergiste, boucher, docteur en médecine, etc.). Les femmes sont couturières, débitantes, épicières ou modiste ! D’autres sont domestiques ou servantes chez des habitants du lieu. On peut aussi trouver d’autres patrons comme pour ces stelliens qui travaillent aux Pont et Chaussées, le vacher communal, ou encore comme Hélène LANCEL, gérante de la Ruche Picarde à L'Etoile. Pour l'éducation des enfants, on relève 2 instituteurs et 3 institutrices, dont une première mentions aux Moulins-Bleus avec le couple CARON. On sait en effet, que devant l'impossibilité d'accueillir tous les enfants à l'école, Saint-Frères avait fait construire en 1889 aux Moulins-Bleus une école comprenant deux classes. L'école de la rue d'Amiens semble aussi ouverte (mais avec les deux institutrices demeurant rue des Juifs).
De nombreuses familles ne se contentent pas d’héberger leur proches parents : on loge aussi 5 nourrissons et pas moins de 104 pensionnaires ! Au total on relève donc des chefs (470), des femmes (368), bien des enfants, des parents proches et des pensionnaires, mais aussi des amis (2), des amies (3), des compagnes (4) et des servantes (13) !
Un fait pourrait sembler curieux, ce sont les numéros d'immeubles 191 et 192 de la Rue St-Martin qui hébergent 29 familles, soit 72 personnes ! L'explication en est toutefois évidente, il s'agit du château aménagé en immeuble à loyers locatifs, les deux numéros correspondant vraisemblablement aux deux ailes de ce château. Ce château sera d'ailleurs textuellement cité au recensement de 1926, et on y relève la présence ininterrompue de la famille BARBIER/STUMPF de 1906 jusqu'en 1936. A signaler que cette stabilité est l'exception, il est bien rare de trouver la même famille à deux recensements consécutifs. Visiblement on cherche souvent vite à s'installer ailleurs !
Elles sont au moins 1069 personnes (61 %) du recensement à ne pas être nées à L'Etoile ! Les tris autorisés par les fichiers permettent de les localiser facilement, venant du Luxembourg (1), de la Somme (environ 825), comme aussi de l’Aisne, de l’Allier, des Hautes-Alpes, du Calvados (3), des Côtes-du-Nord, du Finistère (28), de L’Ille-et-Vilaine, de la Haute-Marne, de la Mayenne, du Nord (21), de l’Oise (17), de l’Orne, du Pas-de-Calais (117), du Puy-de-Dôme, des Pyrénées-Atlantiques, du Bas-Rhin, de Paris (14), de la Seine-Maritime (8), du Tarn (2), ou de la Région parisienne (3) ! Une ou deux personnes seulement sont de nationalité étrangère (LUTZ et STUMPF).
Dernière mise à jour de cette page, le 14 décembre 2005.