L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Les squelettes des Moulins-Bleus

 

Le secteur des Moulins-Bleus délimité par la Rue St-Martin, laquelle rue est connue pour être le très ancien chemin à sec longeant au plus près les marais entre L’Etoile et Moreaucourt, la rue des Moulins-Bleus, qui semble reprendre l’emplacement d’une ancienne croupe géologique dont un lieu-dit porte encore le nom, et le Chemin noir, qui est à l’emplacement du lit de l’ancienne Somme jouxtant aujourd'hui la zone boisée, est un triangle qui se caractérise par la présence en surface d'une épaisse couche d'argile à silex. Dans cette couche d'argile, il a été découvert un grand nombre de squelettes (ainsi que divers pichets en grès et objets anciens divers), plus particulièrement en bordure de la rue des Moulins-Bleus, à proximité de l'angle des deux rues.

  

Les squelettes...

Toutes les découvertes de squelettes et d’ossements humains aux Moulins-Bleus sont localisées à l’emplacement des premières maisons et jardins de la rue des Moulins-Bleus, à partir de la rue St-Martin en direction de la Somme :

1) Du 167 au 163 bis (les quatre premières maisons), de nombreux squelettes. L’ancien corps de ferme se trouvant à cet endroit fut rasé par St-Frères, bien après 1900, pour y construire quatre nouveaux logements, en alignement et en compléments des précédentes habitations de la cité. D’après les anciens habitants, de nombreux squelettes furent trouvés lors du creusement des fondations. C’est certainement à la suite de cette macabre découverte et par le nombre important des corps que naquit la rumeur de cimetière de la maladrerie ;
2) Au n° 163 (5e maison), sept à neuf squelettes trouvés dans le jardin (voir ci-dessous) ;
3) Aux numéros 153 et 155 (9e et 10e maisons), des ossements ont également été trouvés lors du jardinage. Durant la Seconde Guerre mondiale, Omer TITECA (N° 155) avait aussi trouvé "passablement d'ossements" dans sa cave. Craignant les bombardements de l'usine St-Frères toute proche, il avait été décidé d’un commun accord par les habitants du bloc de maisons 143-163 de relier entre elles toutes les caves, afin de pouvoir s'y réfugier, mais aussi de pouvoir s'en échapper si une maison bombardée venait à en obstruer la sortie. La largeur des maisons étant de 5 mètres et celle des caves de 3,60m, il avait suffit à chacun de casser un mur et de creuser 1,40m de tunnel pour réunir presque toutes les caves de ce groupe. Longtemps après, Omer Titeca (mais il n'était certainement pas le seul) avait révélé avoir trouvé lors du creusement de ce tunnel de nombreux ossements...

Les squelettes du jardin du 163 des Moulins-Bleus furent découverts par J. Hérouart. Voici son témoignage.

Quand j’ai acheté ma maison en 1967, le réseau d’assainissement n’existait pas encore à l’Etoile. En 1970, ayant acheté une machine à laver, je me suis donc trouvé confronté au rejet de mes eaux usées... Il fut décidé de creuser un trou dans mon jardin, trou carré d’environ 2 mètres de côté pour installer un bac récepteur, et des tranchées pour l’évacuation. C’est ainsi que j’ai trouvé à 6 mètres de mon mur extérieur et à environ 40 à 50 cm de profondeur un premier squelette, puis un deuxième sous le premier ! Par curiosité, avec mon frère, nous avons fait une extension dans tous les sens et avons mis à jour 7 squelettes au total. Mon frère parle même de 9, et je crois qu’il à raison. Ceci sur une surface d’environ 16 m² (4m x 4m). Il n’y avait pas d’objet près des squelettes. Les corps étaient placés dans tout les sens. La découverte de ces ossements n’a pas été une surprise pour les anciens qui, de temps en temps, en bêchant leur jardin remontaient, qui une côte, qui un tibia ! Ca n’a pas été non plus une surprise pour le maire ; il m’a envoyé le garde champêtre pour ramasser les ossements et les mettre dans l’ossuaire au cimetière.

Quelques ossements avaient toutefois été remisés dans mon garage, deux tibias, une tête, etc., et ces curiosités faisaient l'objet de nombreuses visites parmi les amis et la population ! Il ne reste plus qu'une mâchoire. Il y avait aussi un crâne... Il intéressait visiblement le Dr Richard, notre médecin de famille et ses questions étaient insistantes ; je lui donc offert le crâne, au grand soulagement de mon épouse ! Notre docteur avait ensuite exposé ce crâne dans sa bibliothèque. Pour l'anecdote, les patients pouvaient ainsi le contempler et s'exprimer en sortant du cabinet médical, "J'ai vu le crâne à Hérouart !"

Nature du sous-sol

Le sous-sol du jardin de J. Hérouart, outre la couche de terre arable, ne se compose que d’argile avec de nombreux silex, et ce, jusqu'à au moins 2 mètres de profondeur. C'est dans cette couche que les travaux furent effectués et c'est là que se trouvaient les squelettes découverts et les poteries. De prime abord, cette argile surprend, en un lieu où l'on ne trouve que du calcaire, ou de la tourbe, comme à l’usine des Moulins Bleus toute proche, où les fondations des presses étaient posées sur une assise énorme pour ne pas s’enfoncer dans le sol... Mais il en est de même pour toute la surface du terrain de football voisin, et aussi pour une maison en construction de l'autre côté de la rue des Moulins-Bleus, partout en ces lieux, argile et silex !

Je pense, pour ma part, qu'il y a une explication globale pour la couche d'argile et la présence des squelettes, et que l'un explique l'autre : une coulée de boue ayant enseveli la population locale ! Un sondage du BRGM, réalisé à l'usine des Moulins-Bleus sur 35,47 mètres de profondeur et interprété par J.C. Roux (sans date et sans plus de précision sur le lieu du sondage), tend à confirmer que la couche d'argile diminue à mesure que l'on s'éloigne de la colline : de 0 à 1m : avant-puits ; de 1 à 2,2m : argile marron ; de 2,2 à 7,90m, tourbe avec passage de sable gris marneux à la bas ; de 7,90 à 10m, graviers, silex ; de 10,50 à 11,80m, marnettes et gros morceaux de craie dure (etc.) Une coulée d'argile a bel et bien recouvert la tourbe, d'une hauteur moins importante à proximité de la rivière que des collines.

Morts de quoi, à quelle date ?

Une datation des ossements au C 14 nécessite un financement qui n'a pas encore été trouvé (600 €). Une réponse précise serait évidemment satisfaisante et permettrait, pour le moins, d'éliminer des hypothèses. On peut toutefois déjà avancer avec presque certitude une limite de date, le XVe siècle, puisqu'un pichet en grès du Beauvaisis se trouvant au-dessus des squelettes, à seulement 20 cm de profondeur, a été daté avec certitude de ce XVe siècle !

Ces squelettes retrouvés sans armes, ni parures, ni croix, ni bijoux, laissent penser que ces gens n'étaient ni des guerriers, ni des religieux, mais de simples gens, et que l'on ne doive pas faire de rapprochement tentant avec les nombreuses exactions commises, encore en 1493, au prieuré tout proche de Moreaucourt. Les corps retrouvés en tous sens et parfois même superposés, font penser à des pauvres paysans emportés et noyés dans une coulée de boue, bien plus dévastatrices encore que celles de 1985 et de 1748, coulée venant de la vallée sèche Delattre, située juste au-dessus, et qui s'étendit sur au moins toute la largeur du terrain de football actuel, recouvrant le sol jusqu'à proximité de l'usine des Moulins-Bleus et de la Somme. A quelle date ? L'histoire n'en fait pas état de manière directe. Sans datation scientifique, de la préhistoire au XVe siècle, la fourchette est donc importante. Mais personnellement je choisirais le XIIe siècle (Voir la page Inondations). La coulée de boue aurait d'ailleurs pu être si large, ravageant tout de part et d'autre des deux écoulements imposés par le promontoire du Camp-César, que deux minuscules villages auraient pu disparaître en même temps, celui d'Arguvium (précédant Stella) et celui de Moreaucourt, dont les seigneurs disparaissent peu après la fondation du prieuré...

Bien que sans lien évident, dans les mêmes endroits furent trouvés de jolis pichets en grès, ainsi que d'autres objets plus ou moins énigmatiques... Voir Céramique.

 

Remerciements à J. Hérouart

Dernière mise à jour de cette page, le 12 mars 2007.

 
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