L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL
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Arguvium avant Stella...

 

Cette page est totalement inédite. Les idées développées sont celles de Ghislain Lancel.

Des idées fausses...

Les belles certitudes concernant les premiers temps de L'Etoile, publiées et maintes fois réimprimées, s'effritent (Voir C'est écrit mais c'est faux !).

Ainsi il est maintenant certain que l'église de L'Etoile, détruite lors de l'incendie du 17 juillet 1991, ne datait pas du XIIsiècle, encore moins du VIIIsiècle, mais au mieux du XVIIsiècle [rapport de l'AFAN].

De même, L'Etoile, longtemps désigné comme repère à la limite ouest des domaines de Guntland et de Frodin, domaines offerts à l'abbaye de Corbie dès sa fondation vers 660 (sur la foi d'une copie ne datant que de la fin du Xe siècle, et d'une quinzaine de copies ultérieures), n'a plus de partisans depuis les études et publications de Michel Rouche : Ficca Siderude n'est pas la ligne Fieffes/L'Etoile [Rouche, Revue du Nord, 1973].

Ces données nouvelles remettent alors en cause l'origine de notre village, L'Etoile, d'une part en tant que village ayant existé dans les temps anciens, d'autre part pour ses appellations toponymiques latines... Rappelons que depuis la nouvelle datation de l'église, il n'y a plus à L'Etoile aucun monument antérieur au XVIe siècle ! Par contre les chartes anciennes font état d'une présence humaine, attestée par l'existence d'un autel, mais dans un village de nom différent !

La réalité : Arguvium précède Stella

Deux transcriptions d'un même obit de l'évêque Gervin, décédé en 1104 à Marmoutiers, nous apportent la preuve qu'a la fin du XIe siècle, plus précisément vers 1091-1099, le nom latin de notre village était Arguvium, et non Stella. Moreaucourt et Bouchon, en partie, dépendaient alors de cet autel. " Carta Gervini ep(iscop)i de Argovia [...] Quidam igitur nostre principalis congregationis canonicus, Salomon nomine, Roberti scilicet clerici filius, nostre paternitatis gratiam adiit et suis amicorumque suorum precibus postulavit quatinus altare ville que dicitur Arguvium cum appendiciis suis, scilicet Morolcurte et Bocenello, tali pacto ab ipso reciperem... " [Extrait de la charte 43 (4 G 2966)].

Cent cinquante ans plus tard (en 1256), le nécrologe de la cathédrale d'Amiens nous révèle que Stella l'avait emporté sur Arguvium. Les scribes avaient actualisé ce qui était encore connu de tous. De même les autels rattachés à cette paroisse ne sont plus cités, mais ce qui n'est pas étonnant, du moins pour Moreaucourt, puisque son prieuré avait alors été créé et doté. On observe donc que la version actualisée de l'obit de l'évêque Gervin mentionne la donation de l'autel de L'Etoile, et non d'Arguvium, au chapitre d'Amiens, le 5 des calendes de février : " Eodem die, obitus Gervini, Episcopi hujus ecclesie, qui dedit nobis altare de Stella. In cujus anniv. xx sol. divid. " [MSAP, t. 28, p. 311, d'après Cart. VI du Chapitre].

Entre ces deux dates, vers 1218, on trouve un autre documents qui mentionne tous les toponymes cités dans les obits de Gervin, ainsi que d'autres lieux-dits de L'Etoile. Cet acte est une répartition des oblations et ressources des églises. Outre la première mention de L'Etoile (Stella), en tant que paroisse, on relève dans les environs : les Argones (Ergones), Moreaucourt, Bouchenelle, Bouchon jusqu'à une tourelle (celle du Camp-César), la chaussée (la Cauchie, actuelle D 216), et le Camp-Wadin : " In ecclesia de Stella habet mater ecclesia Ambianensis impositionem sacerdotis et in festo Omnium Sanctorum et in Nativitate et Purificatione et Pascha duas partes oblationum et sacerdos terciam et minuta decima similiter dividitur ; et tercie partis magne decime habet mater Ambianensis duas partes et sacerdos terciam in his territoriis quorum nomina subscribuntur : in territorio de Argovia, de Moralcurt, de Bochenel, de Bochon usque ad turellum et usque ad veterem calceiam, et preterea in Campo Winehan. " [G 2966, f° 122, d'après Roux, t. 2, p. 155].

La plus ancienne mention Stella, sans référence à une paroisse mais attestée par un manuscrit original, n'est donc que du 3 des Ides de mars 1177 (en réalité le 13 mars 1179), date de la bulle de Moreaucourt. Par la suite on relève deux mentions Lestoile dans la délimitation du comté d'Amiens, en 1186 [BN, Lat. 17758], et une mention en 1197 par Thibaut, évêque d'Amiens, collateur [ADS, Cart. I du chapitre G 2966, p. 85 et suiv.]

Pourquoi un changement de nom et localisation de l'ancien toponyme

Quelles sont les raisons qui peuvent avoir justifié un changement de dénomination, ou de prédominance, de la paroisse ? Rappelons d'abord que jusqu'à la fin du Haut Moyen Age (l'an 1000 environ) et même certainement jusqu'au XIIe ou XIIIe siècle, la rivière Somme rentrait profondément dans le village actuel. Le lit de la Vieille Somme suivait alors la ligne approximative de niveau 10 mètres de la carte IGN. Grossièrement, la Somme traversait notre village actuel en coupant le haut des Moulins-Bleus (et peut-être même préalablement dès Moreaucout), suivait la Rue Saint-Martin, passait par le bout de la Rue au Sac, se poursuivait par la Rue des Ergones et rejoignait son lit actuel au niveau de la Dunette. Toute la partie Sud du lit de la Vieille Somme (vers Condé-Folie) était sous les eaux et les marécages ! Il ne restait donc plus beaucoup de place pour implanter un village avec un château, des habitations, une église et un cimetière ! Les abords de la rivière et les premiers niveaux des collines devaient constituer des emplacements de premier choix pour l'implantation des habitations, en prenant soin toutefois de se méfier des grandes marées qui remontaient très en amont de l'embouchure de la Somme et dont on dit qu'on en ressentait les effets jusqu'à Amiens. Attention donc à ne pas s'imaginer L'Etoile sous le Haut Moyen Age comme aujourd'hui !

Comment une paroisse peut-elle disparaître ? La guerre, c'est possible. Nous en avons un témoignage pas très éloigné avec le lieu-dit Le-Champ-de-Bataille ! La peste, c'est possible aussi ! Mais même si la population était anéantie, les habitations pouvaient être rapidement réutilisées. Et l'on peut penser qu'une chapelle, même détruite, l'on aurait eu à cœur de la reconstruire rapidement. Mais l'on a l'impression que l'autel avait disparu, d'ailleurs nous n'avons aujourd'hui aucune trace de l'existence d'une ancienne chapelle. A mon avis, seul un cataclysme naturel peut ici expliquer l'anéantissement de la paroisse. Et l'on en a eu un exemple assez récent, celui de l'inondation de la St-Jean de 1748. On sait que la coulée de boue qui a suivi cet orage a complètement englouti la source et un lavoir pour 6 personnes en bordure des Ergones. Il est donc tout à fait vraisemblable d'imaginer l'existence d'une catastrophe semblable, mais encore plus dévastatrice, au début du XIIe siècle. Rappelons que les habitants n'avaient qu'une mince bande de terrain pour y construire leurs habitations. Une coulée de boue venant de la vallée de Mouflers a pu tout ensevelir à l'arrivée, en bordure des Ergones, détruisant maisons et chapelle, précipitant et noyant les habitants dans la Somme. Il se pourrait d'ailleurs que l'on puisse confirmer cette vraisemblance si l'on pouvait dater ces squelettes que l'on trouve en très grand nombre et dans le plus grand désordre, dans les jardins de la Rue des Moulins-Bleus, corps qui semblent bien avoir échoué là après une noyade collective... Dès lors, la colère du ciel ayant tout détruit, il était difficile de reconstruire au même endroit, le nouveau village se développa donc à l'abri d'une éventuelle nouvelle coulée dévastatrice, derrière le Camp-César, entre les Ergones et l'Ecce Homo. On lui donna le nom de L'Etoile, peut-être à cause de ce fanal qui se trouvait dans la tour placée sur la colline, et qui, comme une étoile, par sa situation en hauteur et la lumière qu'elle dispensait sur l'environnement symbolisait la sécurité !

Arguvium, les Ergones

Reste à situer l'ancienne paroisse, Arguvium. Rien de plus facile ! A la lumière de ce qui vient d'être présenté, cette paroisse ne pouvait se trouver qu'à proximité immédiate du village actuel, à l'endroit où la coulée de boue a tout recouvert avant de se déverser dans l'ancien lit de la Somme. Arguvium était donc de manière évidente l'actuel lieu-dit situé à cet endroit, les Argones – ou Ergones –  selon les textes).

Ainsi donc L'Etoile succéda aux Ergones, qui est aujourd'hui l'un de ses lieux-dits. Les Argonnes sont d'ailleurs naturellement cités de tous temps dans les chartes et manuscrits repris par L'Etoile. Citons seulement la mention dans la charte de 1306 "L’article 32 parle de la pâture en le ouche dargonne". Ne doutons pas que des fouilles profondes dans la fertile vallée de Bouchon et en bordure de l'ancien lit de la Somme à proximité des Ergones permettraient de retrouver d'abord un très vieux four banal puis le lavoir submergé en 1748 et, à un niveau inférieur, les traces de l'ancien port de Bouchon, de la chapelle et de la paroisse d'Arguvium.

                                                                                      Ghislain LANCEL, le 17 septembre 2006.

Arguvium : Compléments et justificatifs

 

Dernière mise à jour de cette page, le 17 septembre 2006.

 
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