L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL |
On trouvera ci-dessous plusieurs liens vers les justificatifs (ADS, SAP).
1130 : Année gravée sur la plaque de porte en fer forgé qui se trouvait sur la petite porte d'entrée sud-ouest de l'église. Cette pièce à conviction, mieux qu'une archive, n'est cependant pas une preuve irréfutable d'appartenance à une précédente église, ou chapelle, du lieu. De plus cette plaque a mystérieusement disparu... Signalons que Goze donne pour année 1750 !
1580 (6 avril), à 6 heures du soir, 7 à 8 minutes : Epouvantable tremblement de terre qui ébranla les maisons et les églises. Bonivet ne précise malheureusement si L'Etoile aurait pu être concerné ! [Louandre, Abb., p. 32].
1624 : inhumation d'Antoine III Leblond, seigneur de L'Etoile, dans l'église [B 83, f° 85].
De 1658 à 1750, un inventaire provenant de Saint-Ricquier signale que l'abbaye possédait une liasse séparée de procédures et autres pièces concernant les réparations des églises et chapelles de Létoille et de Bout-de-Ville-de-Flixecourt [25 H 4, p. 1319 (UAQ dont le registre manque)]. Une liasse qui aurait été révélatrice !
1668 : Repavage de la nef, laquelle se trouve extrêmement dépavée ! [Voir Pavages].
Vers 1688, le clergé observe que l'église est en ruine et les que les objets du culte sont usés, c'est dire qu'à ce moment l'église est déjà vieille d'une notable ancienneté. L'Etat des paroisses mentionne, pour les réparations : "Il y en a à faire au chœur; L'Eglise du secours [Bout de le ville] va tomber en ruine", et pour les ornements : "Calice d'étain dans les 2 Eglises, lesquelles manquent presque de tout. Tous les livres sont usés" [BMA, Ms 514].
1697 : Sentence des requêtes du Palais à Paris, pour le renvoi de la cause au même tribunal, concernant les réparations du chœur de l'église de Létoille, du 20 avril 1697 [Le détail devrait figurer aux AN, X 3A 302] ; Autre [sentence], rendue aux requêtes de l'Hôtel du Roi, concernant les mêmes réparations, du 23 avril 1697 [Le détail, non consulté, devrait figurer aux AN, V 4 707]. [25 H 4, UTA et UAU, p. 1320 (Abbaye de Saint-Ricquier)]. L'étude de ces dossiers, aux AN, devrait apporter de plus amples détails sur le chœur, ou du moins sur les contributeurs.
1714 : Dessin représentant l'église avec un clocher central [ADS, G 2225]. Compte tenu du rapport Longueur/hauteur du mur sud sur le dessin, si l'on estime la hauteur réelle du mur à 5,50 m, alors la longueur du mur était d'environ 14 mètres (alors que l'on apprendra en 1750 que la nef seule, avant agrandissement, mesurait environ 12 mètres à l'intérieur (et 19 mètres avec l'abside), avec des murs de 82 cm d'épaisseur. Si le dessin est réaliste, alors on peut donc penser que l'abside semi-circulaire n'était pas encore construite.
1720 : Dans les clauses de la vente de la seigneurie par la famille Gouffier, il est mentionné la réserve d’une somme d’au moins 2 500 livres destinées aux fondations à donner à l’église par les seigneurs vendeurs : " A esté en outre convenu que lesdits sieur et dame de Septenville retiendront sur le prix de la susd. vente la somme de deux mil cinq cens livres [renvoi en marge : ou plus, s’il convient] pour le fond et l’acquit des fondations faittes par les seigneurs et dame de Lestoille en l’esglise et paroisse dudit Lestoille, dont ils demeureront chargé du paiement" [1 J 731]. Cette somme pourrait bien avoir été affectées à la réfection du chœur, entre 1720 et 1724 !
Entre 1720 et 1724, « Le chœur fut rebatie, et [les] bans(?) arran[gés] » [Epitaphe de Noël Groulle].
1733 (12 juin) : Passage dans la paroisse de l'archidiacre du Ponthieu. Les réparations semblent terminées puisque le procès-verbal mentionne : " En estat. On a reparé la muraille " [3 G 446]. La même année, d'après Goze, la flèche est refaite : "En mil sept cent trente-trois, On a fait cette flèche de bois".
1750 (17 mars) : Allongement du chœur de l'église de 22 pieds (7,26 m). Comment pourrait-on n'allonger que le chœur de l'église, sans toucher ni à l'abside ni à la nef ! Voir Allongement.
1792 (ou environ) : un état des églises mentionne que celle de L'Etoile peut contenir 600 personnes, pour 550 en ayant l'usage, qu'elle n'est pas en bon état (comme presque toutes les autres) et que le coût présumé des réparations est de 2000 livres (ou francs), ce qui est assez important [L 1006].
1805, 1807 et après : Arrêt du préfet en date du quatre prairial an XIII [24 mai 1805], et devis produit par la municipalité, rédigé le 1er messidor an XVIII [20 juin 1805], portant une estimation des réparations à effectuer à l'église et à la maison presbytérale d’un montant global de 2 221 francs [Ces documents manquent mais ils sont cités dans les devis et suppléments de 1807 qui vont suivre]. Les travaux ne furent pas immédiatement effectués puisque l'on relève que deux ans plus tard un autre devis reprenant et complétant celui de 1805, concerne les réparations à effectuer à l'église, au presbytère et au mur du cimetière, pour un total chiffré qui passera finalement à 3 392 francs ! Cinq documents détaillent les travaux, incluant une liste ou un état des ornements sacerdotaux. Presque la moitié de la somme est affectée à la réfection des murs du cimetière. Les principales réparations citées pour l'église concernent principalement les piliers des murs (dont l'un est supprimé au nord, et ses matériaux réemployés pour consolider les autres piliers), les 3 planchers du clocher (et des barreaux pour les 3 échelles), les 8 vitraux (dont 3 seront modestement vitrés de losanges en verre demi-blanc) et la toiture (8 000 ardoises neuves et 26 000 clous) [SAP, Ms 133, pièces 1 à 5]. La commune est autorisée par le préfet à vendre une maison (la maison curiale ?) et divers biens pour payer ces travaux [99 O 1617, Pièces inventoriées (1807), n° 15].
1827/28 : Restauration de l'église (couverture et menuiseries) et du presbytère, pour un montant de 5 026,04 francs, financé par des tourbages [99 O 1618/Chemise 4/Eglise]. Le Conseil municipal de Bouchon, sollicité pour une participation s'élevant à 1261,98 francs, semble-t-il en référence au curé de L'Etoile qui officie à Bouchon, vote le refus ! Voir Registre de Bouchon, p. 110-112.
1836 (environ) : Duthoit dessine l'église comme elle le sera en 1991 (vue du nord, avec un mur entourant le clocher).
1850 (juillet ou 15 septembre) : incendie de l'église. Remplacement des objets détruits, pour un montant de 600 francs [99 O 1618/Chemise 4/Mobilier].
1851 : Construction d'une sacristie [99 O 1618/Chemise 4/Eglise].
1863 : Reconstruction du porche [ 99 O 1618/ Chemise 4 / Eglise et presbytère]. Année de la publication de Goze qui signale que l'église est malsaine.
1864 (15 avril) : Le compte-rendu de la visite pastorale de Monseigneur Boudinet est très satisfaisant pour le presbytère, tout neuf, mais pas pour l'église : " Eglise à rebâtir. Les experts sont disposés. Il y a des ressources communales." [DA 39, p. 140].
1869 : Agrandissement de la tribune [99 O 1618/Chemise 4/Eglise]. Achat de l'orgue de Flixecourt.
1874 : Travaux à l'église concernant les voûtes en plancher, les pavé et boiseries, montant à 1 500 francs et à supporter par la commune, la fabrique n'ayant plus de fonds ; travaux à la galerie du clocher montant à 154,60 francs [99 O 1619].
1884 : Travaux à la toiture et au clocher, très urgent, montant à 78 francs [99 O 1619].
1886 : Réparation à l'église, et autres [99 O 1618 Chemise 4 / B.ts comm.x collectifs].
1902 : Acquisition de 3 cloches.
1904 : Don des deux premiers vitraux de l’abside (n° 1 et 2) par Aîmé Lancel .
1928 : Restauration du clocher, remis à neuf, montant à 4 045,17 francs [99 O 1619/chemise 4 (première)]. Eboulement de terrain près du clocher et disparition d'un monument funéraire, qui semble avoir pour cause l'effondrement du plafond d'une galerie souterraine.
1977 (ou début 1978) : Incendie du chœur.
1985 (nuit du 15 au 16 juillet) : le clocher s'écroule.
1991 (nuit du 16 au 17 juillet, 1 h 15) : La toiture de l'église s'embrase. Au matin l'église apparaîtra presque entièrement détruite...
1994 (24 février) : Film réalisé par la Compagnie des Eaux du Nord, à la demande de la DDE. Grâce à une caméra descendue par un forage, il est confirmé la présence d'une vaste cavité sous l'église.
1999 (30 août au 1er septembre). L’AFAN (Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales) procède à 5 sondages archéologiques dans le sous-sol de l’église et y trouve des ossements et des sépultures, dont certaines à plus d’un mètre de profondeur.
2000 (24 juillet au 11 septembre) : Fouille de l’église par l’AFAN. Rapport.
Un dessin datant de 1714, et bien d'autres éléments, principalement d'archives (voir ci-dessus), remettent en cause la dernière datation proposée par l'AFAN pour l'église. Certains éléments me semblent devoir incontestablement remonter au moins au XVIIe siècle, tandis que les fondations (et la forme de la nef) pourraient dater de 1130 !
Le rapport de l'AFAN s'appuie, pour la partie archives, sur mes recherches personnelles (Remerciements p. 5), lesquelles n'en étaient qu'à leurs débuts en l'an 2000. Je pense que ma citation de l'épitaphe de 1724 a beaucoup trop influencé la datation de l'édifice ! Il était absurde de considérer l'église (les murs actuels) comme datant du XIIe siècle, il n'est pas non plus raisonnable de la dater de 1720 pour sa partie la plus ancienne !
"Le chœur fut rebatie", la fameuse mention de l'épitaphe, qui me semble vouloir dire que l'abside fut restaurée, atteste en tous cas que l'église existait déjà ! A mes recherches s'ajoute d'ailleurs maintenant un dessin d'archive datant de 1714 (voir Clocher) prouvant que l'église existait bel et bien à cette époque ! Il est donc possible qu'entre 1720 et 1724 on ai ajouté un demi-cercle à l'église pour y placer l'abside (qui semble effectivement manquer sous cette forme sur le dessin de 1714). Cette tardive construction expliquerait d'ailleurs la présence d'une ligne droite de fondations à l'extrémité est de la nef (N° AFAN 1121) et la découverte de squelettes sous les murs de l'abside. Il est fréquent que l'on inhume les paroissiens autour de l'église, mais il est rare que l'on construise une église dans un cimetière existant ; l'agrandissement de l'église aurait empiété sur le cimetière qui s'était naturellement développé à l'extérieur de l'église primitive et expliquerait logiquement la présence d'ossements en travers des fondations !
A voir le manque de cohésion entre l'arcature axiale de l'abside et son remplissage contenant la niche, on peut également se demander si la restauration n'a pas aussi consisté à réaliser un support neuf (complet à l'extérieur et limité à des pilastres et arcatures à l'intérieur) dans lequel auraient repris place des éléments anciens, les niches, ou du moins le Groupe en pierre (bâché lors des fouilles), généralement daté du XVIIe siècle...
D'autres argument semblent plaider en faveur d'une église déjà complète en 1720, comme ces fondations de l'abside dont "les assises supérieures sont faites en pierres de moyen appareil" (p. 17), de modules similaire à ceux du mur sud de la fameuse salle de terre à godasses située à l'autre bout de l'église, au nord-ouest (AFAN, n° 1090), ainsi que d'un caveau funéraire avec loge céphalique (AFAN, n° 1029, p. 16) pouvant dater du bas Moyen Age ! Ainsi, non seulement les fondations pourraient être bien antérieur à 1720, mais même concorder avec la tradition d'une église primitive du XIIe siècle dont il aurait subsisté aussi la plaque de porte datée de 1130 ! Ainsi s'expliquerait aussi la présence du vitrail le plus ancien, de forme et de niveaux très différents des autres, lui aussi à l'autre bout nord-ouest de l'église, dans la partie la plus récente de ce mur ! Mais il aurait pu aussi être récupéré de l'église du prieuré voisin de Moreaucourt, plusieurs fois détruit et voué à l'abandon dès 1635, vitrail qui aurait retrouvé une place à L'Etoile dans un mur restauré de l'église.
Les fouilles ont montré que de nombreux travaux confus furent effectués à plusieurs périodes dans cette église. Mais la construction d'une église à une date aussi récente que dans les années 1720/24 aurait inévitablement laissé des traces dans les archives générales et dans celles du clergé, autres qu'une élogieuse épitaphe ! Or il n'y en a aucune. L'église est donc bien antérieure au début du XVIIIe siècle. De nouvelles fouilles ou explorations, au niveau du clocher et à l'extérieur du mur nord (pour attester de la présence d'un autre ancien clocher conforme au plan de 1714), incluant aussi la salle à pilier et les cavités souterraines détectées à cet endroit et à proximité, permettraient certainement de compléter notre imparfaite connaissance de l'historique de cette église et de ce lieu bordant une motte castrale et le Camp-César !
Crédit photographique : G. Lancel (vers 1995).
Dernière mise à jour de cette page, le 2 novembre 2007.